bleu soyeux

“Je revois au-dessus de sa cravate mauve, soyeuse et gonflée, le doux étonnement de ses yeux auxquels elle avait ajouté sans oser le destiner à personne, mais pour que tous pussent en prendre leur part, un sourire un peu timide de suzeraine qui a l’air de s’excuser auprès de ses vassaux et de les aimer.”

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, du côté de chez Swann, 1913.

Bien sûr, il y a toute une histoire derrière dernière édition limitée de Jo Malone, mais je m’autorise à n’en avoir rien à faire et à n’écouter que l’histoire que Blue Hyacinthe me raconte. D’abord, des feuillages, verts et vifs, dignes du jardin, et une brassée de jacinthes qu’on amène pour décorer le salon. La fleur est évidement bleue.  Peu à peu, les premières sensations laissent place à quelque chose de plus complexe. La fleur se fait plus soyeuse, tirant un peu vers le lilas, évoquant les tissus précieux. J’y sens aussi une petite note, cireuse et sombre, qui rappelle les bougies. Soudain, le tableau semble se révèle en entier et je vois un portrait d’Ingres. Des chairs pâles et lisses, une robe de soie bleue, de sages bandeaux qui encadre le visage. Le portait d’une jeune fille pure et modeste qui incarne en même temps le triomphe bourgeois de la fortune paternelle.

Oui, j’aurais pu dire que Blue Hyacinthe sentait la jacinthe et m’arrêter là, ce n’aurait été mentir, mais je ne lui aurais pas rendu justice. L’air de rien, cette jacinthe m’a fait voyager plus loin que le parc, elle m’a ramené en des temps romantiques, quelque part entre Jane Austen et Balzac. Il y a fort peu de jacinthe en parfumerie et je le regrette. Celle-là est belle, elle ose une douceur quand on la voit plus souvent cinglante ou sucrée jusqu’à l’écœurement qui fait regretter qu’elle ne soit que temporaire. Mais il est peut-être normal que les fleurs ne durent qu’une saison ?

Blue hyacinth, Yann Vasnier pour Jo Malone, 2017.

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