«Je me la représentais avec les couleurs d’une tapisserie ou d’un vitrail, dans un autre siècle, d’une autre matière que le reste des personnes vivantes.»
Clivant, c’est un peu le mot qui m’agace en ce moment. dès qu’on esquisse une moue pas convaincue, qu’on ose insinuer qu’un parfum est un peu bof, on s’entend répondre que «c’est normal, c’est parce que c’est clivant!» Sauf que non, bien souvent, ce n’est pas un parfum qui engendre du j’adore/je déteste, mais un truc qui semble juste ennuyeux, déjà vu ou pas très intéressant. Clivant, c’est le nouveau truc publicitaire pour vous empêcher d’être indifférent et vous faire comprendre que vous êtes un inculte qui ne comprend pas le génie de la création qu’on vous présente. Sauf que ça n’a rien de génial dans la plupart des cas et que vous l’avez déjà senti mille fois. (Oui, je sais, on fait pas d'efforts, on contrarie tout le temps les vendeurs...)
Cela dit, je dois bien admettre que «oui, il y a des odeurs clivantes.» Curieusement, l’encens semble en faire partie. Il ne me pose aucun problème, me paraît le plus souvent joli, mais je constate que les réactions sont souvent de type j’adore/je déteste. Ainsi, lorsque j’ai reçu un échantillon de Cardinal et que je l’ai fait tester à ma mère, le coup de foudre fut pour elle immédiat. Alors qu’elle traitait toujours le parfum de façon un peu négligente, comme un accessoire joli qu’on emporte sans y penser trop, elle revenait sans cesse à son poignet, le sentant, le respirant sans relâche et répétant à l’envi que ça sentait bon. Message compris, il fallait que ce soit le prochain cadeau que je lui ferais…
Cardinal sent l’encens, les volutes bleues dans un édifice religieux, un lieu devenu un peu commun d’une certaine parfumerie de niche. Mais enfin, que les versions se multiplient permet de choisir celle que nous aimons vraiment. Je ne crois pas au concept de «la plus belle» plus à «celle qui me correspond le mieux.» À l’humidité des vieilles pierres et des bancs de bois de la cathédrale d’Avignon, Comme des garçon, véritable mètre-étalon des encens, Cardinal préfère le confort d’une chapelle privée aux lourdes tapisseries et aux coussins moelleux. Le côté mystique est largement tempéré, réchauffé, par le luxe et le confort. On a bien le droit d’avoir la prière douillette et l’extase mystique précieuse.
Au grand désappointement de ma mère, son parfum n’a pas fait l’unanimité. l’ambiance d’église EST clivante: il y a ceux pour lesquels elle évoque de bons souvenirs et les traumatisés de la messe obligatoire lorsqu’ils étaient enfants qui font la grimace en sentant votre parfums et vous disent que «ça sent l’église» d’un air dégouté. Vous ne ferez pas l’unanimité mais vous ne laisserez pas vraiment indifférent non plus…
Cardinal, James Heeley, 2006.
PS: vu le déclin de la pratique religieuse, l’aspect clivant est surtout vrai en ce qui concerne les anciennes générations. Les jeunes sont beaucoup plus indifférents à la connotation église.
Bonjour Dau,
RépondreSupprimerMerci de consacrer un billet à l'une de mes obsessions olfactives !
Je crois que l'encens est l'un des ingrédients qui réagit le plus sur la peau et le ressenti s'avèrera très différents d'une personne à l'autre. Sur moi, Cardinal se fait virginal comme une belle chemise blanche, séchée au grand air. Par contre, Avignon me met au tapis par ko : il s'échauffe, prend de l'ampleur au fil des heures, c'est bien simple : je ne suis pas de taille. Je lui ai préféré Zagorsk, le plus réussi de la série (sur moi).
J'aimerais sentir Reliques d'amour d'Oriza T. Legrand, mais je crois qu'il se place davantage du côté des bois cirés des bancs de l'église... Sur mon podium, l'encens le plus majestueux, le plus austère et le plus lumineux, restera La liturgie des Heures de Jovoy.
Enfin, je crois qu'il faut porter ces parfums dits clivants, histoire de faire du bien aux nez sur glucosés habituellement.
Je vous souhaite une agréable semaine à venir et merci pour vos billets, toujours si justes et éclairants.
Céline.
Bonjour Céline (et merci!)
SupprimerL'encens a été l'une de mes obsession mais l'est un peu moins maintenant. Pour moi, le plus réussi reste celui de la bougie Spiritus Sancti de Trudon. (existe aussi en version liquide, mais c'est moins bien, hélas!) Du coup, celui-là, on ne peut pas dire qu'il joue sur la peau. C'est étrange car sur moi Avignon reste très froid, ce qui fait que je le trouve fort joli en été, même et surtout par fortes chaleurs... Comme quoi.
Relique est très bois cirés et sur moi, proche d'Avignon, mais il faudrait voir comment il réagit sur peau. C'est très bien fait et fort complexe, mais je ne suis pas fan de la petite note un peu moderne qui se dégage un peu en fond...
Pas majestueux pour deux sous, celui que je préfère porter est celui d'Etro: Messe de Minuit qui évoque à la fois la messe et le goûter d'enfant avec de jolies notes de citrons confits dans le courant d'air froid de l'église. J'aime beaucoup. Comme quoi, je peux être sensible à la gourmandise, moi aussi. (Mais je vous rassure, c'est un encens, pas du tout un gourmand!)
à bientôt
dau
Bonjour Dau,
RépondreSupprimerL’encens je le supporte vraiment très bien puisqu'en principe tous les parfums (enfin presque tous) se font verts sur ma peau. Si je devais choisir ce serait les deux encens de la ligne Armani Privé (bois d'encens et encens satin pour mon mec et pour moi respectivement). J'aurais bien aimé tester les encens Comme des Garçons mais à Madrid on dirait qu'il y a toujours rupture de stock :(.
J'ai dû regarder sur un dictionnaire le sens du mot clivant et là je dois avouer que je trouve le marketing vraiment malin, pas convaincant du tout mais malin tout de même. En ce qui me regarde je crois que la phrase qui se répète le plus serait "c'est parce que vous n'êtes pas habituée" concernant le rouge à lèvres de couleur rouge et là ma réponse est prête: « non, Mademoiselle/Madame/Monsieur, ce n'est pas parce que je ne suis pas habituée c'est parce que je n'aime pas, tout court, et surtout parce qu'avec ce rouge à lèvres mes lèvres paraissent moins gorgées ce qui fait que je semble plus vieille » et je n'ajoute plus rien, je m'empresse à prendre congé de la vendeuse Dior/Chanel/Dolce & Gabbana/Armani... en lui serrant la main et je pars.
A très bientôt !
Sara
Bonjour Sara,
RépondreSupprimerDe la ligne Armani, je ne connais que le premier que je trouve fort joli et très fin mais dont je déplore que le prix ai subitement augmenté à la faveur d'un changement de packaging. C'est l'un des rares parfums intéressant de cette gamme d'ailleurs. Pour comme des garçons, je suis à peine surpris, ils ont une très mauvaise distribution. Pourtant, cette ligne encens en particulier fait vraiment figure de classique. J'aime beaucoup dans un autre registre Kyoto, très boisé.
"Vous n'êtes pas habitué" oui, on m'a déjà fait le coup. Pareil, je sais quand même ce que j'aime ou pas, ce qui me va ou pas... Du coup, oui, clivant pourrait presqu'être un argument recevable. Sauf que le marketing ferait mieux d'accepter qu'on n'aime pas tout et que quand on dit non, c'est non!
à bientôt
Dau