bad girl

« Levant brusquement la tête, de ses petits yeux jaunes qui avaient l’éclat d’yeux de fauves, il fixait sur elle un de ces regards qui quelquefois chez Madame de Guermantes, quand celle-ci parlait trop, m’avait fait trembler. »

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, le temps retrouvé, 1927.

Chez Dior, on habillait et parfumait les femmes élégantes dans des poses pleine de chic et de romantisme t puis le marketing a fait des catégories : il y a la jeune femme bien sous tous rapports, Miss Dior, la bourgeoise épanouie, J’adore, et la bad girl qui s’incarne en Poison, le premier parfum « moderne » de la marque, celui qui allait tout balayé sur son passage à grand renfort de matraquage publicitaire, imposant l’image d’une vamp agressive qui allait se réincarner en une série de flanker plus ou moins réussis. Pourtant, la bad girl, chez Dior, ne date pas de 1985.  Germaine-Mitzah Bricard, proche de Monsieur Dior, l’incarnait déjà dans ses imprimés léopard, parée de la légende d’un passé sulfureux. La maison avait aussi habillé Marlene Dietrich d’une robe « cygne noir »… Et en parfum, depuis 1979, il y a Dioressence qui se voulait à sa sortie un parfum barbare…

Dioressence, il est vrai marquait déjà une rupture avec la délicatesse ciselée auxquelles nous avait habitué Edmond Roudnitska. Dans le sillage d’Opium, il jette ses charmes capiteux à la tête des gens des heures durant, capiteux, voluptueux et un peu brutal. Quelques notes vertes et des épices. Surtout des épices. Mêmes les fleurs, l’œillet surtout, semblent des épices dans Dioressence. Des épices posées sur un fond orientalisant assez sec, charpenté par le vétiver. Le résultat est assez magique, plus proche du pot-pourri que du parfum.

Barbare ? Je ne sais pas, mais plus moderne que ses prédécesseur, du genre qui ferait un tabac dans une boutique de niche actuelle.. Immédiat, un peu sans gêne et sans complexe, c’est un crâneur qui me fait un peu penser à Habanita par son attitude nonchalante qui balance « prenez-moi comme je suis ! » et ne fait pas d’effort. Une bad girl un peu garçonne, trop libre. Plus qu’un séducteur, c’est un voluptueux égoïste qui m’évoque lorsque je le porte l’un ou l’autre fauve paressant au soleil, paresseux, jouisseur, qu’on a envie de caresser dans le sens du poil et dont on ferait bien de ne pas oublier qu’il a le coup de griffe mauvais. Après tout, qui sait ?, il semble dormir, mais peut-être qu’il guette ?

Dioressence, Guy Robert pour Christian Dior, 1979.

NB : je n’ai jamais compris pourquoi on le classait dans les parfums de Monsieur Dior alors qu’il a vu le jour longtemps après la mort du couturier, mais je suppose qu’il a bien fallu trouver une dénomination pour les classiques de la maison Dior.

Commentaires

  1. Bonsoir Dau !
    Vous parlez d'un parfum que j'ai adoré et que j'ai porté dans les années 80. J'étais loin d'avoir confiance en moi. J'avais l'impression que Dioressence me donnait de l'assurance. J'avais l'impression que ma peau adoucissait son côté barbare. Que de compliments de la gente masculine j'ai reçus grâce à lui ! Hélas je parle au passé parce que c'est un des parfums qui a été le plus défiguré par la reformulation. A moins qu'il s'agit d'une nouvelle version miraculeuse comme pour Diorella ?
    Autre sujet, ça y est je suis devenue adepte de la Cologne Habanita. Autant j'avais du mal avec l'eau de toilette, autant je me suis installée dans la Cologne avec plaisir...
    Bien à vous
    Cecile

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    Réponses
    1. Bonjour,
      Dioressence, c'est un peu compliqué. LA version actuelle est moins pire que la précédente, le parfum est reconnaissable alors que ce n'était plus du tout le cas, mais il est quand même bien plat par rapport à ce qu'il fut. La version que j'ai, celle qui est en photo est la version d'avant, celle de l'époque où le Dioressence sentait encore Dioressence, tel que je l'ai conne, moi aussi, dans les années '80, simplement plus assourdi, policé, mais pas défiguré comme il le fut par après. La version actuelle est honnête si on ne l'a pas connu jadis, c'est un beau et bon parfum, mais pour des anciens comme nous, c'est tout au plus un pis-aller.

      Je suis content pour Habanita, au moins, on peu le porter encore et encore, sans se soucier d'avoir du stock et penser à l'économiser. (Mais j'avoue que j'envisage le stock de Cologne parce qu'on ne sait jamais...) Qu'un tel parfum existe encore, si intense et si peu "dans les goûts bien lisses et cucul-la-praline du jour" me réjouis profondément!

      à bientôt

      Dau

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