queen bee

"Le duc de Guermantes, faisant front, monumental, muet, courroucé, pareil à Jupiter tonnant, resta immobile ainsi quelques seconde, les yeux flamboyant de colère et d’étonnement, ses cheveux crespelés semblant sortir d’un cratère."

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, Sodome et Gomorrhe, 1921.

Fille de, Paloma Picasso était l’une des célébrités que l’on pouvait admirer dans l’œil de vogue, souvent dans le sillage d’Yves Saint Laurent qui avoua, des années plus tard, que la célèbre collection Libération lui était dédiée. On ignorait presque qu’elle avait dessiné une jolie collection de bijoux pour Tiffany. Aussi, lorsque son portrait apparut dans les vitrines des parfumeries en 1984, fut-on surpris par le visage de cette Blanche-Neige moderne posant devant l’objectif de Richard Avedon. Plus de trente ans après, la celebrity fragrance est toujours là, peut-être moins connue, mais pas moins séduisante.

Paloma Picasso est un monumental chypre qui prend place entre l’Aromatics Elixir de Clinique et l’Eau du Soir de Sisley. De son époque, il a les proportions gigantesques, faites pour impressionner, mais sa construction à l’ancienne le rend malgré tout un peu plus intemporel que bien d’autres géants de la même décennie. (Je pense à Poison par exemple.) Très classique, il commence sagement par des aldéhydes sur des notes un peu vertes (à l’ouverture, je sens furtivement une odeur de bougie qu’on vient de souffler, mélange de fumée et de cire chaude qui n'est pas sans rappeler le N°5 de Chanel dans sa version extrait)  avant d’imposer un bouquet classique et un fond typique de chypre, sombre et dur, où le patchouli l’emporte sur les mousses, le tout soutenu par une dose de civette. 

C’est très « madame »  et un peu lourd. Ce qui est remarquable, ce qui le rend aimable en dépit de son ton très autoritaire, c’est la transparence, la délicatesse du bouquet central. Paloma Picasso n’a rien de brutal. Il fait partie de cette famille des parfums très bien coupé, ou chaque matière prend sa place et tombe bien. Certes, son tailleurs est plus épaulé que se lui de Jean-Louis Scherrer, sa jupe fendue plus haut… Et si c’est un vêtement de jour, aucun doute, il a aussi une vie la nuit. (Peut-être moins habillée, il est vrai.)

Je l’aime beaucoup. Sa beauté me semble à chaque rencontre évidente. Bien sûr, on peut le trouver difficile à porter : Il n’a aucune timidité et refuse les minauderies sucrées qu’on nous inflige depuis longtemps. Mais, enfin, comment peut-on préférer être une princesse, même Disney, quand on peut être la reine de la ruche ?

Paloma Picasso, Francis Bocris pour Paloma Picasso, 1984.

Commentaires

  1. Bonsoir Dau,
    Paloma Picasso est une de mes odeurs fétiches, un de ces jus qui me pousseraient à quitter mon Eau de Campagne, je le trouve enveloppant et imposant en même temps il me procure la force et la joie, je me sens adulte en le portant, et tout différent du Nº5 il a pour moi le même caractère celui de quelqu'un qui veut avoir raison et qui a raison, d'une façon certes pas tellement aimable mais...
    A bientôt!
    Sara

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Sara...
      Pourquoi ne suis-je pas surpris? Oui, je suis d'accord, c'est un parfum de la maturité, il a du caractère, mais rien d'une rébellion d'ado trop bruyant, il a cette sérénité dans l'autorité qui impressionne et qui vient avec l'âge. J'adore!

      Dau

      Supprimer

Enregistrer un commentaire