difficulté

"J’étais hésitant comme un élève devant les difficultés d’une version grecque."

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, à l’ombre des jeunes filles en fleurs, 1919.

L’autre jour, je portais Poison, le parfum par Christian Dior comme disait la réclame, parfum que j’adore, bien que j’en vois les défauts, les excès, mais que j’ai beaucoup de mal à porter. Ils ne sont pas si nombreux, ceux que j’aime et que je ne porte que difficilement. Et je suis toujours dans le doute, le questionnement, le pourquoi… Oui, aimer le parfum, aimer sentir beau, c’est aussi s’interroger sur soi-même, sur ses goûts, ses appréhensions.

Certes, Poison, en vintage*, n'est pas un parfum facile, il fait partie de la famille des tubéreuses grandes gueules, toujours un peu hystérique, surtout quand les épices viennent en rajouter une couche et l'énerver un peu plus, même si il a bon fond avec ses notes de tarte aux prunes... Ingérable, il a un sillage tout sauf discret et marque impitoyablement tout ce qu'il touche. Mais enfin, ce n'est pas le seul de son espèce et il en faut plus pour me faire peur. (Même si le bon goût m'empêche quand même de trop souvent arborer ce genre de parfum!) 

J’ai toujours envisagé le parfum, indépendamment de sa forme, des caractéristiques techniques et autres, comme un rôle de théâtre. Quelque chose que je trouve beau, émouvant ou sans intérêt. Quelque chose que je peux ou non jouer. Il y a les parfums qui sont mon registre, qui colle à ma palette d’émotions, de sentiments, d’attitude, et ceux que je ne peux pas jouer parce qu’ils sont trop loin de moi. Ces derniers, s’ils sont beaux, je les offres pour les sentir quand même un peu à l’occasion. Délicats d’offrir un rôle à quelqu’un ? Oui, mais d’une part, j’offre en sachant à qui et en connaissant les goûts, et, surtout, j’offre à des gens moins timbré que moi qui sont juste content d’avoir un joli parfum qui sent bon.

Ceux avec lesquels j’ai du mal, ce ne sont pas ceux qui sont trop loin de moi, ils sont rejetés sans la moindre hésitation, ce serait plutôt ceux qui sont trop près de moi. Ceux-là me donnerait l’impression d’être nu en public, d’exhiber mon âme, de faire de mon jardin secret un parc public, ou, pire, un lieu commun. Ceux-là, je les portes quand je suis seul.  (J’ai bien dit que j’étais timbré, pas la peine d’y revenir, je vis très bien avec cette névrose qui ne me gâche pas du tout la vie mais me donne beaucoup de plaisir.)

Dans le cas de Poison, c’est encore autre chose… Il me file un coup de vieux immédiat, je trouve. Ce qui n’est déjà pas très plaisant ! Parce que ma jeunesse a coïncidé avec son heure de gloire, ce moment où tout le monde le voulait, ou il était l’universel objet du désir Le porter, me donne l’impression que je n’ai pas su évoluer, que j’en suis resté là, comme si j’étais resté figé dans ce cadre et m’était autant démodé que lui Pas que je me soucie de la mode, je peux porter sans le moindre souci des parfums beaucoup plus anciens et datés, mais il ne faut pas que les dates des parfums coïncide avec les miennes . Je trouve ça terrible quand je vois des gens qui s’accrochent à leur jeunesse et ne savent pas avancer, portant toujours les mêmes habits qui leur ont si bien réussi jadis, se coiffant de la même façon.  J’hésite toujours sur ce qui vieillit le plus : s’accrocher à sa jeunesse ou courir après la mode ? Aucune des deux attitudes ne me tente. Pour moi, Poison est vraiment « passé » parce que moi, je suis passé à autre chose. Et c’est tant mieux, parce que s’accrocher aux épaulettes… NON !

Je dois bien dire aussi que l’époque de la gloire de Poison n’est pas forcément celle de mes meilleurs souvenirs. Ça joue peut-être. Probablement. Sûrement. Bien que certains parfums qui m’ont réconforté en des temps d’épreuves continuent de me charmer : j’ai tendance à ne retenir que le réconfort et à oublier les épreuves. 

Et vous ? Vous avez du mal parfois ? Avec Lesquels ? Vous savez pourquoi ? 


*La version actuelle est importable quand on a aimé l'originale, trop lisse, délavée, gentille. Poison n'est pas un parfum gentil et n'a pas à le devenir...

Commentaires

  1. Bonjour Dau.
    Je vais vous répondre "à l'envers".

    Aucun problème pour moi avec les parfums "Coup de massue" comme Poison*de Dior , il m'arrive d'aller en catimini ,en pleine nuit ouvrir le facon, ( c'est fou)
    Habanita* Opium * Secrète Datura * de l'Artisan Parfumeur Gantier.
    Tous les vintages* ainsi que tous les interdits de l'IFRA ( HaHaHa) Les Chypres, à mousse de chêne "vraie" à concentration élevée est pour moi un 'cordial", Mitsouko* , Cabochard,* Aromatics Elixir*,Dioressence *
    Miss Dior*, Calèche * jusqu'à Crêpe de Chine* de Millot et l'Indicret* de Lucien Lelong
    et j'en passe.... Qui n'étant pas de ma génération, sont pour moi des "choix " réfléchis, peu m'importe qu'ils soient "datés" je suis assez "tordue" et frondeuse , pour aimer fleurer bon, la grand mère...Ou basculer côté grand père sans vergogne .Avec khouros (qui n'a rien du grand père lui) Bel Ami de Jean-Louis Sieuzac ( surtout pas celui d' Ellena) Grey Flannel * de Geoffrey Beene, Blenheim Bouquet de Penhaligon's, Terre d'Hermès.
    Mes parfums "Cologne" pour passer de l'un à l'autre , Eau Sauvage , Habit rouge* ,Eau pure (Caron) Parfum d'Habit ( Artisan Parfumeur) Pour Monsieur *( Chanel) J'ai bien aimé L'eau de Guerlain dans son flacon original ( galet froissé/plissé au centre) ou carrément 4711 Echt Kölnisch Wasser , je n'ai pas essayé la nouvelle version.

    En revanche :Je bloque sur les nouvelles re-re- et re-formulations, les créations actuelles me dépriment très souvent, je retourne donc aux vieux classiques (d'avant les rachats 88/94) je suis née en 89, c'est peut être là la raison !!? Je n'ai aimé aucune Aqua Allegoria, aucun "Candy-Crush"n'a su me plaire assez. Ils me font "monter la moutarde".
    Le seul actuel et original qui a su vraiment me plaire ...."L'eau scandaleuse" d'Anatole Lebreton que je vous dois, et je vous en remercie.
    Ceux qui me fileraient un coup de vieux j'en vois immédiatement deux : Angel et Flowerbomb, mais ils ne rentreront jamais chez ,moi J'ajoute La vie est belle et Miss Dior Cheri pour équilibrer Grrrr.
    Je sens que je vais me faire un coup de Poison* par pûr plaisir, le temps s'y prête bien.

    Bonne journée.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Touti,
      Oui, la date de naissance doit jouer: ayant été ados dans les années'80, je n'au aucun problème avec les parfums avant cette époque. Je trouve même les classiques des années '70, si souvent vert, si souvent aérien, merveilleux de jeunesse encore aujourd'hui. Curieusement, dès qu'on passe aux années '90, je fais mon difficile, mais tout passe relativement bien quand j'aime. (Assez peu de chose en fait... Rien?) Les seuls portés dans les années '80 qui ne me posent pas de problème, alors qu'il me rappelant tout autant ma jeunesse, ce sont les classiques. Peut-être parce que si j'ai des souvenirs très précis de certains événements où je les ai porté, ils s'inscrivent dans une histoire plus large? Mais l'Heure Bleue, un de mes souvenir les plus net, c'est vraiment très naturel pour moi. L'Eau Sauvage que j'ai consommée par litre? Pareil, intemporel aussi et toujours aussi plaisante à porter.
      Les reformuatlions? ça dépend vraiment quelque Dior passent bien: Eau Sauvage, Diorissimo en edt, Diorella, même diminués, d'autre pas du tout comme Miss Dior ou le N°5, quelle que soit la concentration...
      Les créations actuelles: souvent, elle me désespèrent. Je comprends que les choses ont changés et qu'il faut plaire à tous, mais c'est si répétitif, di industriel, que ça me désole....

      Je vais aller suiffer mon Dix de Balenciaga pour oublier!

      à bientôt

      Supprimer
  2. J'adore Poison et j'étais très jeune lors de sa lancée et de sa grande époque dans les années 80. Et j'étais si peu en moyen que j'ai même portée une imitation de Poison tant je voulais goûter à cette tubéreuse mystérieuse... (je vous imagine frémir d'horreur!) Aujourd'hui, je possède le même flacon (le vrai cette fois) depuis plus de 20 ans et je ne le porte qu'avec parcimonie... c'est aussi un "plaisir solitaire", car mon entourage ne peut le supporter... tout comme il ne supporte pas Tocade, Amarige, Fleur d'interdit, Coco, Dolce Vita... J'adore tous ces parfums opulents... mais à notre époque de sucre évanescent, ils sont malheureusement incompris... Longue vie à eux et à nos ''plaisirs solitaires parfumés". Ce sont des classiques indémodables...

    Bonne journée!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ah, Ah, Ah, on se comprend entre toqués! Entre la vie est belle et la petite robe noire, on ne peut pourtant pas dire qu'on manque de présences...On les sent bien ceux-là! Autant qu'un Poison à son époque... Mais comme c'est "la mode" ce serait inconvenant de demander qu'ils soient porter "en privé" et je trouve que c'est bien injuste...

      à bientôt

      Supprimer
  3. Porter un parfum qui nous ramène à une date précise et tout à coup on replonge TOUT à ce moment du Passé ou du Futur (si on est un peu quantique et qu'il n'y a pas d'espace / temps !). Tout se remet en place immédiatement : ce que l'on perçoit avec son corps, ce que l'on sent avec son coeur et ce que l'on pense avec son Ego........si l'âme y retourne, ce n'est peut être pas le fruit du hasard :-)

    RépondreSupprimer
  4. Certes non, probablement pas, mais ce n'est pas forcément heureux, ou facile, pour autant. Et tant qu'à faire, j'aime à maitriser les filtres de mes enchantements...

    RépondreSupprimer
  5. Bonjour Dau
    Rien avoir avec le sujet ,
    Je viens de me rendre compte que la marque Annick Goutal avait été rachetée par les coréens (2011)
    AMORE PACIFIC (Hera/laneige....../Lolita Lempicka/l'accitane) Hera , produits que je teste en ce moment.
    "LeMondeEstMinuscule"

    Passez une bonne semaine.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Touti,

      Hélas... Depuis c'est un peu la débandade. Du oud chez Goutal, du Rose Pompon, Isabelles Doyen qui ne signe plus les derniers jus. Bref, tristesse totale pour moi. Je crois qu'ils laissent mourir la marque où qu'il la "Séphorise" ... Des boutiques qui ferment, etc... Bref, je suis deuil et tristesse depuis ce rachat.
      Mais notre semaine va quand même être bonne!
      ;-)

      Supprimer
  6. Alors, c'est terrible à raconter, mais Poison a été le parfum de ma mère pendant près de 10 ans, à l'époque de mon adolescence ... ce parfum m'a fait vomir en voiture, me sentir mal à certains repas de famille, et j'en passe car à l'époque, je ne le supportais plus à force qu'il s'impose à moi. Ce n'est pas un problème avec ma mère, tant qu'elle portait le n°5 ça allait, mais celui-ci, je l'aimais mais ne pouvais juste pas le supporter, c'était physique.
    Et pourtant : la version actuelle m'irrite, je sais que ce n'est pas "le vrai", et j'ai cherché (et fini par trouver) un flacon vintage pour pouvoir le re-sentir. Je ne peux pas le porter, hors de question pour moi d'infliger CA à mon entourage, mais j'aime tellement le sentir de temps en temps, le vrai, l'unique ...

    Pour Goutal, haut les coeurs ! Rose pompon plaît beaucoup à ma fille ado, et à tout bien considérer, il est bien moins pire que la plupart des sucrailles mainstream. Franchement, je préfère qu'elle porte celui-ci que le Sweet de Ricci !
    Et en même temps, cela me permet de lui rappeler qu'elle a depuis longtemps un faible pour certains Goutal comme Petite Chérie ou l'eau de Charlotte ...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Mèèèèèèèèè..... Qu'on lui offre des litres de Petite Chérie, par pitiè!

      Quand à Poison, je comprends. Et, oui, l'actuel n'a rien de Poison, il ronronne alors que Poison à toujours été fait pour rugir! On n'échange pas un lion contre un chaton quand même!

      Supprimer
  7. superbe article Dau, qui me parle beaucoup!

    pour ma part, mon parfum secret, rien qu'à moi, c'est tabu de dana en version vintage!
    je l'aime, et lorsque je le porte, je me sens transportée dans un univers de plumes et de paillettes , une sensualité (sexualité meme) dévoilée et assumée, le désir, la passion, la chaleur d'une étreinte animale!
    bref, il me fait femme fatale , et j'adore ça!

    mais du coup, l'interprétation, somme toute très personnelle, que j'ai de ce parfum m'empeche de le porter autrement que chez moi, dans l'intimité de ma maison et de mon couple!
    il est pour moi un petit plaisir egoiste , celui qui me permet le temps d'une soirée, d'etre la femme que je choisis d'etre, sans barrière, sans tabou , sans interdits .

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ah oui, effectivement Tabu, que j'ai porté, c'est du lourd... Ce n'est pas pour rien qu'on dit qu'il a été conçu comme un parfum de puta!Oui, le porter, quand on y pense, c'est un peu l'impression de se balader tout nu avec un billet de 100€ entre les fesses... Le genre de chose qu'on gagne peut-être bien à garder dans sa tête, ou dans sa maison, oui ;-)

      Supprimer

Enregistrer un commentaire