embruns

"Je voyais, pour le premier jour, des vagues, les chaînes de montagnes d’azur de la mes, ses glaciers et ses cascades, son élévation et sa majesté négligente - rien qu’à sentir, pour la première fois depuis si longtemps, en me lavant les mains, cette odeur spéciale des savons trop parfumés du Grand-Hôtel… "

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, Sodome et Gomorrhe, 1922.

La parfumerie utilitaire n’a pas bonne presse, elle est considérée comme moins noble, pas artistique par les amateurs esthètes. Mais que celui qui n’a jamais soupiré d’aise ou fredonner sous une douche parfumée par le Petit Marseillais me jette le premier Gallet. Le savon, le gel douche, la crème pour le corps, j’adore ça. Je ne saurais dire si c’est autant que le parfum dans sa forme la plus noble, tant c’est différent, mais c’est très complémentaire. Oui, j’avoue, je m’extasie sur le beau, je ma pâme devant l’élégie en flacon, mais j’aime aussi quand c’est bon.

Parfois, c’est un substitut à l’achat d’un flacon, mais le plus souvent, c’est une autre façon d’apprécier. J’avoue que je préfère le Narcisse Bleu d’Hermès en savon pour les mains : il sent délicieusement bon et le shoot immédiat me satisfait plus que de sentir le parfum toute la journée sur moi. Oui, je suis presqu’en train de me plaindre d’un parfum qui tient trop ! Mais je comprends la légende qui veut qu’Annick Goutal se moquait un peu de la tenue de ses parfums et trouvait très bien qu’après deux heures en Eau d’ Hadrien, les gens puissent passer à autre chose.

Mon dernier craquage, c’est Wood, Sage and Sea Salt. Le parfum m’avait plus sans m’emballer mais le gel douche reçu en échantillon m’a conquis. L’ambiance d’embruns de mer, de sel sur la peau, comme une plage déserte dans une lumière froide de printemps au pastel* est un pur bonheur dans la salle de bain. Me voilà immédiatement dépaysé, transporté ailleurs. Un monde sans humain, sans vie animale, un univers minéral, à peine végétal. C’est infiniment reposant et bien plus réussi que tous les délires à la calone que nous ont fait subir les années ’90. C'est un parfum paysage, c'est peut-être cela qui me retient (pour l'instant!) et qui fait que je le vois inconsciemment comme un parfum d'ambiance que je n'arriverais pas à porter.

Attention, j’ai aussi essayé la crème pour le corps. Poussez par une vendeuse qui me connaît (trop) bien… Les cinq première minutes, je trouvais que c’était joli, mais sans plus, voire un peu bof. Mais ensuite, je suis tombé amoureux de ma main, lorsque l’odeur salée s’est réchauffée sur la peau. Je pense que cette crème pourrait constituer une très jolie base, en plus d’être divine seule, et je pense déjà à des mélanges possibles… Vous vous dites que je vais craquer ? Je dois bien vous avouer qu’il n’est pas impossible que vous ayez raison…

Rassurez-moi et dites-moi que ça vous arrive aussi !

Wood, Sage and Sea Salt, gel moussant, Jo Malone.

*Je vous épargne l’aquarelle de Marie Laurencin.