un crime pas bien grand


"Puis elle monta en voiture, balançant la tête, levant la crosse de son ombrelle, et reparti par les rues de Balbec, surchargée des ornements de son sacerdoce, comme un vieil évêque en tournée de confirmation."

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, à l’ombre des jeunes filles en fleurs, 1919.

Les parfums Christian Dior ont lancé jadis Diorella comme le parfum du jeans, un parfum « sport-couture. » Il a moins bien résisté au temps et au mode que le jeans et se révèle finalement peut-être aussi daté que la haute-couture. Sublime, mais plus très adapté à notre époque. Sa tenue est simple, facile à vivre, mais entachée de complications diverses parce qu’elle date d’avant. Avant l’affreux lycra et les t-shirts informes.

Diorella a eu plusieurs vies. Il  a fortement rappelé l’Eau Sauvage dont il est un pendant féminin sous ses aspects cologne citronnée. La version actuelle lui rend un peu de vigueur, de complication, de féminité. La note melon est à nouveau bien présente, on perçoit clairement les fleurs. Le chypre apparaît clairement, quasi dès le départ de la formule. Ce n’est pas le chypre profond, à l’ancienne, celui des belles matières d’avant les interdictions, mais il tient bien la route. Il dure un peu moins longtemps, est un peu moins riche. Mais cela ne lui va pas si mal.

Lorsque je compare mon Diorella actuel à la version vintage, je ne suis pas trop déçu. Le vintage est moins cologne puisque les hespérides vieillissent parfois mal, les fruits sont remontés, plus (trop ?) présents, déséquilibrant un peu la composition. Somme toute, cher et difficile à trouver, il n’est peut-être pas, avec le temps, beaucoup plus fidèle à l’original que la version actuelle. Diorella, quel que soit la version n’est en tous cas plus sport, mais définitivement couture, évoquant dorénavant le tailleur et le cheveu soigneusement brushé.

Il est peut-être devenu difficile à porter, anachronique car, sans faire complètement vintage, il évoque des usages qui ne sont plus les nôtres, comme ces accessoires que certains osent encore coordonner. « Mais ça, c’est pas moderne, ma chérie, c’est mémèrisant ! » Diorella collait parfaitement à son époque et il nous la rappelle peut-être encore un peu trop, peut-être, si Dieu lui prête vie, tiendra-t-il le coup jusqu’à être une pièce de musée, un de ces parfums aux airs « vintage » qui ont fini par devenir indatable. En attendant, il est peut-être un peu risqué…


Mais, enfin, avec un t-shirt, un jeans et des converses, éventuellement assorties au sac, il passe encore fort joliment. Je dois bien avouer qu’être élégant plutôt qu’à la mode n’est pas un crime qui me semble bien grand. Et puis, c’est ma faute aussi ! Ai-je vraiment besoin d’avoir quasiment le même âge que lui ? J’aurais 120 ans ou 19, il serait tout simplement merveilleux sur moi aussi.

Diorella, Edmond Roudnitska pour Christian Dior, 1972.

Commentaires

  1. Bonsoir Dau,
    Vous avez mis du baume dans ma journée ! Diorella aurait retrouvé un peu de ses couleurs d'antan ? Il manquerait plus que l'on fasse la même chose pour Dioressence et Madame de Rochas et je serais comblée. Je ne m'explique pas cette accointance que j'ai avec Diorella. J'ai toujours adoré ce parfum. Malheureusement il a terriblement souffert de la reformulation, à l'instar de Dioressence qui est devenu complètement anémique. Pour avoir eu un échantillon du Parfum de Thérèse, je sais qu'il y en a des réminiscences. J'attendais mon anniversaire pour casser ma tirelire et me l'offrir (j'ai pas sauté le pas des vintages en vente sur Internet, je suis méfiante...). Devenu difficile à porter, anachronique ? Pour parodier une chanson du groupe Il était une fois, tant mieux, il est fait pour moi !
    Un petit mot pour Sara, je ne l'ai pas oubliée, ça était un petit peu compliqué chez moi ces derniers temps, mais je poste sa surprise lundi, promis !
    Amitiés Cécile

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  2. Bonjour Cécile,
    Pour Dioressence, il est toujours bien pâlichon, autant s'éviter cette peine d'aller le sentir. Mais avec les restriction sur l'eugénol, je pense que ce n'est pas la peine de rêver, une version acceptable n'est pas ifra possible. Pour les vintages, je le répète, méfiance avec Diorella: le chypre vieilli mal en général et très hespéridé comme Diorella encore plus. En plus il devient vraiment TRES cher. Avec un oriental, c'est plus facilement jouable. Pour l'anachronisme, il faudrait vraiment que je fasse un billet "du bon usage du vintage" ou qqch du genre...

    à bientôt

    Dau

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  3. Chère Cécile, Cher Dau,
    Cécile j'ai essayé de vous écrire hier en vous disant de ne pas vous faire des soucis, j'ai été moi-même très occupée. Je viens de terminer un nouveau récit sur une "mauvaise femme" au choix (qui ait existé ou pas), j'ai choisi Wallis Simpson.
    Dau et Cécile, avant de vous envoyer le texte, il faut que je fasse la traduction en langue française ;)
    Diorella, j'ai toujours eu un problème avec cette senteur, je crois que ce doit être cette note melon; Diorissimo, Dioressence passaient eux sans problèmes, sauf que maintenant avec les contraintes de l'IFRA...
    Un billet sur l'usage correct du vintage serait le bienvenu.
    A très bientôt!
    Sara

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