histoire

“tous ces fastidieux perfectionnements de l’industrie qui m’avaient jusqu’ici fait bailler d’ennui dans les expositions universelles…”


Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, à l’ombre des jeunes filles en fleurs, 1919.
Enfin !
Eugénie Briot, la fabrique des parfums
Enfin, le livre que j’attendais. (Que nous attendions ?) Un vrai livre d’histoire, une bonne synthèse, sur le parfum et la parfumerie. Certes, nous avions de la lecture à nous mettre sous la dent, mais surtout de la compilation d’anecdotes, intéressantes, distrayantes et amusantes, mais rien de bien sérieux, de bien fouillé. Dans son ouvrage "la fabrique des parfums," Eugénie Biot brosse le portrait de la parfumerie au XIXème siècle de façon assez complète. Il est surtout question d’industrie, on parle beaucoup de brevets, de perfectionnement technique et des découvertes de molécules nouvelles, question de sous et de stratégies commerciales, de Paris, de Grasse et du reste du monde. Mais l’histoire des mentalités n’est pas oubliée, surtout abordée à travers le prisme de la littérature. J’ai trouvé l’ouvrage passionnant et je le trouve indispensable, cependant, il y a des mais…

Personnellement, je l’ai beaucoup aimé et j’ai beaucoup appris. J’ai bien aimé la forme parce que j’aime l’histoire. Mais effectivement, cela peut rebuter : on parle de sources, on explique quels chiffres ont été pris en compte et pourquoi… Ce n’est pas le plus gros de l’ouvrage, mais certains auront peut-être du mal, trouveront ça un peu indigeste. C’est sûr, il y a plus rigolo que l’histoire d’une industrie, de ses bénéfices, brevets et méthode de vente. L’ouvrage est scientifique, sérieux. Parce que oui, l’histoire est une science, rigoureuse et sérieuse, éventuellement ennuyeuse. (Même si, je le redis, j’ai beaucoup aimé et ai lu ce livre à la vitesse d’un roman.)

Pour me mettre dans l'ambiance,
je l'ai lu en portant, entre autres, Pao Rosa,
ne version repesée d'un parfum de 1877.
Un parfum ne comportant que des matières naturelles.
Si vous attendez d’un ouvrage sur la parfumerie qu’il vous parle de l’évolution du chypre, de comment l’Heure Bleue est un parfum impressionniste et de Jacques Guerlain au bord de la Seine, etc., vous serez effectivement déçu. Mais le musc Baur ou les bases de Laire, c’est tout aussi passionnant, palpitant, et vous ne perdrez pas au change, croyez-moi. J’ai appris des choses, vraiment, et pas trouvé une compilation de tout ce que je savais déjà (et qui est parfois fantaisiste, tant la parfumerie aime les légendes dorées) plus ou moins mis en forme. 

Je dois aussi ajouter qu’il est bon pour lire cet ouvrage d’avoir quand même quelques notions d’histoire. Il y a un contexte, politique économique et social, qui n’est pas le nôtre et qu’il est bon de connaître un peu. Le XIXème, le XIXème français dans ce cas particulier, je maîtrise plus ou moins. (Agrégé d’histoire, mémoire sur l’hausmannisation… ça laisse des traces, et surtout, j’adore la littérature de cette époque, Proust, et je lis régulièrement des ouvrages portant sur cette période.) Je me suis senti à l’aise mais je pense qu’on peut se sentir un peu perdu si on n’a pas les notions de base. 

Indispensable dans la bibliothèque du perfumista. Reste à espérer une suite pour le XXème siècle. 

Eugénie Briot, la fabrique des parfums, naissance d’une industrie du luxe, Vendémiaire, 2015.


On se référera aussi aux ouvrages d’Alain Corbin, le miasme et la jonquille est désormais un classique, et de George Vigarello, le propre et le sale, tout aussi classique, pour avoir un panorama le plus complet possible.

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