thé d'été

"Mon Dieu, comme c’est ennuyeux de s’habiller, de sortir, quand on aimerait tant rester chez soi."

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, le côté de Guermantes, 1921.

La maison Goutal invoque l’exotisme pour nous vendre son dernier parfum, nous parle d’île coréenne, mais tout cela ne tient guère la route pour moi, nous sommes bel et bien chez Goutal, dans une élégante maison des beaux quartiers parisiens et c’est tant mieux. L’Île au Thé nous laisse en terrain connu : il y a la fraîcheur des agrumes qu’on retrouve dans les deux tiers des parfums de la maison, la note maté de Duel, une rondeur fruitée bien maîtrisée et les muscs blancs dont Isabelle Doyen se sert si bien pour faire tenir des parfums frais et légers (comme les colognes) en évitant de les faire ressembler à des parfum pour lessives. (Mais comment fait-elle ?)

Des notes de mandarine, fraîches, juteuses, pour un thé parfumé. Ce n'est pas nouveau chez Goutal (pensez à Petite Chérie) mais c'est une des forces de la maison, cette capacité à rendre les odeurs de fruits de façon aussi jolie, aussi réaliste. Le parfum est ensuite proche de Duel, mais là où le masculin est un dandy à l’élégance retenue, contenue, le mixte est joyeux, estival. L’ Île s’arrondit sur des notes d’osmanthus abricoté et s’étire sur les muscs, ça change du très élégant iris de Duel qui se mariait discrètement au cuir.  C’est plus aimable, plus facile, plus gourmand. (Mais sans sucre ajouté, je précise, le termes gourmand pouvant faire peur de nos jour!) Ça va avec les vacances et l’insouciance. C’est très joyeux. On dirait une variation sur le thème de l’élégante eau chyprée, mais sans chypre, avec des codes modernes, les muscs, qui dépoussière le genre.

Je ne céderai pas forcément tout de suite à ses charmes, j’ai déjà beaucoup de parfums du genre en grand amateur des eaux chyprées. Mais c’est typiquement le parfum que j’ai beaucoup de plaisir à porter en vacances, quand j’ai des envies de légèreté. En revanche j’ai craqué pour la bougie parfumée. Forcément moins évolutive, elle représente à la perfection un thé légèrement parfumé mandarine-abricot. Le parfait plaisir du thé d’été qui se répand dans la maison. (Diffusion légère dans mon grand appartement sans porte mais on la sent bien en entrant dans la pièce ou la bougie brûle.) En plus, le verre façon biscuit change agréablement des éternels verres à rayures dorées que je n’aime pas trop. Quel dommage que ce ne soit qu’une édition limitée… 
(Un must-have pour les amateurs de thé !)

L’Île au thé, Isabelle Doyen et Camille Goutal pour Annick Goutal, 2015.

Commentaires

  1. Pour l'avoir senti (rapidement), j'ai aussi eu cette impression de joliesse maîtrisée ;-)

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  2. C'est LE parfum que je dois aller sentir cette année (j'ai séjourné une semaine à Jeju et en garde un souvenir absolument ébloui), et malheureusement je n'ai pas encore réussi à mettre le nez dessus. Il pousse à Jeju une sorte particulière de mandarine sans pépins, qui est proposée à la vente à tous les coins de rue et de plage, et vous pouvez vous régaler d'un plein panier de ces fruits juteux pour une somme très modeste (et j'en ai usé et abusé, car il y fait très chaud en été). J'avoue que j'ai à la fois hâte de voir si ce parfum ravive mes souvenirs, et peur d'une déception ...

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    1. C'est joli et bien fait, mais c'est pas transcendant non plus, je ne placerais pas trop d'espoir, ce serait courir à la déception...

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