« Tout avait péri de ce temps, mais tout renaissait… »
Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, la prisonnière, 1923.
Il renaît des parfums défunts et des marques assassinées jadis par la dure loi du marché, à foison ces temps-ci. Dans un sens, je devrais sauter de joie, mais je me demande surtout si c’est bien utile et bien intéressant. Le Galion est l’une de ces résurrections récentes avec une petite dizaine de parfums… Pourquoi autant d’un coup et pas un seul pour tâter le marché ? Vraiment, je trouve que c’est beaucoup. Mais probablement en faut-il pour tous les goûts, du vrai vieillot qui sent le vieillot pour faire légitimité et de vieillot qui fait quand même un peu plus moderne pour séduire un public qui aime « ce qui a l’air vintage » mais sort tout droit de l’usine ?
Sortilège, Le Galion, édition 2014. |
Celui qui m’a intéressé, c’est Sortilège et le hasard incarné par un charmant vendeur m’en a remis un échantillon. Sortilège, c’est LE grand succès de la marque, le seul dont on se souvenait, le seul qui avait un peu la cote auprès des amateurs de vintage*. Sortilège, c’est un très classique aldéhydé floral crée par Paul Vacher en 1936. Forcément, on pense au N°5, mais c’est bien plus doux, un peu plus fleur blanches, même si on reste sur une base aldéhydes-rose-jasmin ultra conventionnelle.
Je ne vais pas comparer avec l’ancien, parce que je ne le connais pas. Le parfum actuel est sent bon le vieillot, le démodé, l'autre époque, la bourgeoisie provinciale élégante, conventionnelle. J’aime beaucoup, personnellement, parce que c’est mon truc, le genre tailleur marine avec broche au revers. Certes, il y a, au nez, un touche de modernité qui finit par pointer, c’est normal et pardonnable, la formule d’époque n’est pas commercialisable, les législations ont changés, ainsi que l’accès aux matières premières.
Mais la question que je me pose, c’est pourquoi ? Pourquoi faut-il que cela sorte ? Est-ce que ça présente vraiment un intérêt ? J’ai envie de répondre non, par lassitude des relances. Oui, il y a la question du patrimoine, mais enfin, si certains parfums ont disparus, c’est que l’Histoire à fait un tri. Et des chefs-d’œuvre aldéhydés encore commercialisés, ce n’est pas ça qui manque. Allons plutôt dans les parfumeries les découvrir et les acheter au lieu de les laisser sombrer et de courir par snobisme après des rééditions vendues fort cher.
Sauf que, souvent, les merveilles qui traînent sur les planches du bas des parfumeries sont massacrées à grand coup de reformulations. Madame Rochas, encore beau il y a quelques années, est devenue une infâme lavasse… Alors, finalement, qu’un aldéhydé soit relancé et que la qualité soit au rendez-vous, c’est plutôt une bonne nouvelle.
Sortilège, Paul Vacher pour Le Galion, 1936, réédité en 2014.
*J’exagère un peu, mais pas beaucoup. Il est vrai que j’ai aussi parfois entendu parler de Snob, etc.
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