songerie exotique

“Les femmes pourront se promener, et surtout rester chez elles, dans des brocards aussi magnifiques que ceux que Venise ornait pour ses patriciennes avec des dessins d’Orient.”

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, à l’ombre des jeunes filles en fleurs, 1919.

songe d'un bois d'été, Guerlain
Si un être cher ne l’avait porté, je ne me serais pas penché sur le Songe d’un Bois d’Été. Mais son sillages orientalisant est immanquable et, à vrai dire, séduisant, même s’il n’est pas mon genre, pas ce que je choisirais de porter. Mais à sa façon, sa poésie dans la veine des des mille et une nuits, son exotisme traduit en bon français ne m’ont pas laissé indifférent.

Songe d’un Bois d’Orient joue assez finement la carte du oud d’une manière très Guerlain quand on y pense : un départ très aromatique et sec jouant sur le laurier et la facette amère de la myrrhe lance les notes boisées qui se fondent sur la peau avec des accords de cumin-sueur et de cuir légèrement baumés. Il s’agit pour moi d’un duo oud-myrrhe que, dans le fond, je trouve beaucoup plus joli que la collection "l’Art et la Matière" qui se vautre dans la vanille la plus gourmande, éternel cliché de ce que devrait être Guerlain. Ici l’enrobage reste subtil, imperceptible même s’il est présent et évite tout effet brutal en fondant légèrement les matières. Facile, le parfum ne l’est pas le moins du monde : les deux protagonistes se tournent autour et se répondent en duellistes plutôt qu’en duettiste, mais le duel est chorégraphié, esthétisé à la manière d’un film de cape et d’épée.

Le genre oriental est envisagé selon l’angle du rêve: le parfum révèle des paysages, des décors, des costumes étranges et bigarrés, pour nous raconter une histoire faite de merveilleux, djinns et mages étant de la partie, de sombres vengeances et de grands sentiments... (Pas tous très aimables: n’oublions pas que Shéhérazade risquait la mort à la fin de chaque nuit.) Finalement, Guerlain ne change pas, racontant ses histoires aux grands enfants que nous sommes.

Songes d’un Bois d’Été, les Déserts d’Orient, Thierry Wasser pour Guerlain, 2012.

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