colère*

" Elle ne s’aperçut même pas que la colère lui faisait froncer les sourcils. "

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, Sodome et Gomorrhe, 1922.

La colère et ses excès, je ne peux l’associer, presqu’automatiquement, qu’à la tubéreuse, cette belle hystérique, toujours au bord de la crise de nerfs, éternelle bombe (sexuelle, mais pas que…) toujours sur le point d’exploser.
la tubéreuse, éternelle séductrice
Mon premier contact, ce fut avec Poison, la diva eighties, cernée d’épices, que son fond de miel n’arrivait pas à calmer et qui m’a toujours fait penser à une porte qui claque… Ensuite est venu Fracas, qui ne porte pas ce non par hasard, sa robe noire très décolletée, ses ongles laqués qui pianotent nerveusement, son ton annonceur d’orage, qui irait si bien à ces actrices sur le retour que sont Margo Channing (All about Eve) et Norma Desmond (Sunset Boulevard), dont la seule présence suffit à instaurer une tension dramatique.

La tubéreuse, c’est une séduction à l’état pur, passablement proche du viol, toujours accompagnée d’une certaine violence. La tubéreuse, c’est la fleur impossible à maitriser, celle dont le sillage sera toujours atomique. Impossible pour cette drama queen de ne pas remplir l’espace. N’essayez même pas de la doser en petit joueur, ça ne sert à rien. Un parfum comme Fracas est fait pour fracasser, de loin et pour longtemps. Pareil pour ses descendants, il faut assumer.

Fracas, Robert Piguet,
la vamp originelle signée Germaine Cellier
J’adore la tubéreuse. Je la trouve fascinante. Mais j’avoue qu’elle est assez problématique à porter. Proche du faux-pas perfumista et difficile à assumer, elle se fait remarquer quoiqu’il arrive. Il m’est déjà arriver de sentir de la tubéreuse dans un bus tôt le matin et de trouver que c’était délicieux, mais je comprends que tout le monde n’aime pas. De même, pour aller en réunion, dans un espace clos, j’éviterais. Sauf, bien sûr, si je veux faire enrager le monde, marquer mon territoire, faire sortir la bitch en moi. Que celui qui n’a jamais laisser son Inner Diva s’exprimer me jette la première pierre.

Mais c’est assez lourd à porter la colère. Assez épuisant. Etre une diva 24h/24 me semble intenable, bien trop épuisant. Se battre contre le monde entier en permanence, ce n’est pas très aimable, pas très séduisant. C’est un effort qui n’en vaut pas vraiment la peine, un plaisir qui ne doit pas devenir une habitude parce que les gens finiront par ne plus pouvoir nous sentir. Le nez s’habitue, certes : le nôtre, pas le leur. Ne leur infligeons pas des coups d’éclat en permanence, sachons doser nos effets.


 *Ce billet fait partie d’une série consacrée aux 7 péchés capitaux revus à la mode perfumista.

Commentaires

  1. Une tubéreuse suave et fraîche m'accompagne tout l'été, Do Son, il me semble que vous n'aimez pas...Il est vrai que je ne la reconnais pas dans votre billet, mais je n'ai jamais rencontré Fracas.

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  2. Oui, Do Son n'est pas ma tasse de thé: sa transparence (aqueuse?) me semble une trahison de la tubéreuse. En outre, je ne suis pas très amateur du registre naturaliste "fleur en mon jardin" pour les fleurs blanches, je trouve qu'elles sont mieux mises en valeurs ailleurs. Effectivement, c'est normal de ne pas reconnaître Do Son dans le billet du coup! À défaut de connaître Fracas, pensez Poison!

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    1. Ohhh Poison? Pour moi une odeur détestable, associée à une personne très détestable dont je n'aime pas me souvenir... Dommage parfois pour un parfum d'être ainsi associé!
      Effectivement Do Son, c'est un autre monde...mais il me permet de me sentir élégante, assurée, sereine les jours de canicule, ce qui est un véritable défi. C'est le seul diptyque que je prends en grand format.

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  3. Encore une fois je dois insister sur une visite à Madrid, la ville où certaines tubéreuses (entre autres Carnal Flower ou Do Son) littéralement disparaissent, le climat ou notre peau d’Espagne?
    J'avoue que j'ai du mal à associer la tubéreuse à la colère, l'odeur de la tubéreuse qui s'épanouit si bien sur ma peau! Il est vrai que je choisis des tubéreuses vertes et parfois virginales (Histoire de Parfums Tubéreuse 2). Si je dois me référer à Giorgio ou à Poison je pense plutôt à la richesse, aux fourrures à l'opulence et à la luxure. Fracas me semble sûrement tenace et il est vrai que ce jus a tendance à devenir sucré et capiteux (comparé par exemple à Carnal Flower) mais je ne le vois pas "bitchy" ou de mauvaise humeur, je trouve cette senteur carrément sexuelle.
    Par contre c’est le poivre mélangé à d’autres épices brûlantes qui me fait penser à la colère (Rosier Ardent, Vitriol d’œillet).
    Cordialement,
    Sara

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