"Je pouvais presque croire que la personnalité sensuelle et volontaire de Gilberte avait émigré dans le corps d'Albertine..."
Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, Albertine disparue, 1925.
flacons vidés... |
Longtemps j’ai porté le N°5. C’est probablement le parfum
que j’ai le plus souvent porté. Et puis un jour, j’ai tourné le dos à Chanel,
exaspéré par des mauvaises sorties qui ressemblais à du foutage de gueule, du
mépris pour les clients, le sacrifice de la statue de Mademoiselle sur l’autel
de Mammon. C’était il y a deux ou trois ans. Plus de N°5, plus de N°22, de Bois
des Îles ni de 19. Uniquement les parfums créés du vivant de Mademoiselle, les
autres ne m’ayant jamais vraiment intéressé, mis à part le merveilleux Cristalle
que je n’ai jamais pourtant vraiment porté.
Au début, ce fut un peu difficile, comme de perdre une
partie de mes repères, de mes habitudes, mais que voulez-vous, j’ai un minimum
de principes, mais enfin, je me suis bien amusé chez Goutal qui était mon autre
« base » parfum, ma pierre de touche bis.
Liu, Guerlain |
Et ce ne sont pas les
aldéhydes qui manquent en ce bas monde, même si le genre n’est plus follement à
la mode, il reste une foule de beaux parfums aldéhydés sur le marché et les
possibilités du vintage qui semblent pratiquement infinies. C’est probablement
chez Guerlain, avec Liu, que j’ai trouvé le meilleur substitut au 5. A vrai
dire, avec son statut historique et sa diffusion exclusive, il est même plus
N°5 que le N°5, ayant moins subi les rajeunissements que le parfum mythique,
quoi qu’en dise la rue Cambon, jouant plus les N°5 que le N°5.
Étrangement, ces derniers temps, m’est venue une envie de
ressentir le N°5, de me repencher dessus, pas pour le porter, mais pour le
souvenir, pour la nostalgie et parce qu’il me semblait qu’il y avait un manque.
J’étais même prêt à revenir à Chanel pour un achat. Et je me suis aperçu à ma
plus grande stupéfaction que je ne me reconnaissais plus dans ce 5. Parce qu’il
ne ressemble plus à celui que j’ai connu jadis, celui sur lequel je me suis fixé
avec ses allures de laque et de dissolvant pour les ongles, ne remarquant pas
nécessairement les altérations d’un flacon à l’autre et, peut-être surtout, parce que je ne
lui ressemble plus. Comme si, sans m’en rendre compte, je lui avais vraiment
tourné le dos, tout en continuant de croire qu’il me manquait, alors même que
ce n’était plus le cas.
Je ne sais pas si c’est l’habitude qui s’est installée, si j’ai
changé ou si c’est lui, si d’autres occupent mieux que lui les fonctions que je
lui avais dévolues. Mais après tout ce temps la rupture est consommée et ceux
que j’aime, je réalise que je les aime pour eux-mêmes et non comme substituts.
Une page s’est tournée.
Merci pour cette analyse presque proustienne...
RépondreSupprimerHélène
Oh, non, pas presque proustienne, et de loin. c'est juste une petite réflexion que je me suis faire en passant. Mais merci du compliment.
SupprimerBonjour Dau,
RépondreSupprimerJe réfléchis depuis un bout de temps et je trouve difficile de vous associer au Nº5, ce n'est surtout pas par cette bouffée d'aldéhydes car je suis sûre que Liu vous sied à merveille de par ses notes de fond tenues et élégantes. Si je dois vous associer à la Maison Chanel je pense toujours au Nº19 en extrait, cet iris que j'affectionne particulièrement et ces notes vertes un peu altières.
Très cordialement,
Sara
Bonjour,
SupprimerJ'ai beaucoup porté et beaucoup aimé le N°19. Surtout dans la version plus claire, plus nette et plus froide de l'eau de parfum. C'est donc très bien vu aussi.
(Et je me roule dans Liu, ainsi que dans Véga qui est en train de disparaître, hélas.)