"j’éprouvais une petite déception car cette jeune dame ne différait pas des autres…"
Marcel
Proust, à la recherche du temps perdu, du côté de chez Swann, 1913.
Les
éditions Frédéric Malle sont apparues comme une très bonne nouvelle : enfin
quelque chose de différent qui alliait qualité et originalité avec un vrai
respect des classiques avant de se muer en une entreprise à la mode qui prenait
soin de montrer aux autres qu’elle savait faire tout comme eux mais en mieux.
Frédéric Malle prenait d’ailleurs soin de souligner qu’il voyait arriver chez
lui toutes les déçues de Guerlain…
eau de magnolia |
Faire des
choses à la mode mieux que tous les autres nous a valu un chef d’œuvre comme
Portrait of a Lady mais aussi une déception comme Dries van Noten, le parfum gourmand
honteux qui essaye de se faire passer pour un santal… L’eau de Magnolia ne vise
pas à une très grande originalité : elle revisite l’eau chyprée floral des
années ’70, attitude bien dans l’air du temps, en misant sur l’élégance nonchalante
qui caractérisait bon nombre de fragrances ayant suivi les sillages de l’Eau
Sauvage et de Diorella.
Pour lancer
l’Eau, des agrumes, joyeux et juteux dont il parait qu’ils font partie de la
note magnolia, ce que je serais bien en peine d’affirmer ou d’infirmer, ne
sachant le moins du monde ce que sent le magnolia. C’est assez jouissif.
Ensuite, vient assez vite le plus beau, l’effet floral : une magnifique
sensation de pétale à la fois soyeux et charnu qui évoque la fleur de façon très
tactile. La fleur ? Plutôt son bourgeon puisque nous sommes dans le thème
de la fraîcheur et du printemps.
Le
printemps, Frédéric Malle choisi de le
voir éternel et ne pas suivre pas la règle classique qui veut que les fleurs éclosent
et que les eaux chyprée se réchauffent sur un fond de mousses, à la place il
maintient la fraîcheur en jouant sur les bois ambrés et particulièrement sur le
vétiver dont l’aspect pamplemousse est particulièrement mis en avant pour répondre
aux agrumes du départ. Les bois ambrés. Dits aussi bois qui piquent. Bien sûr,
on tente de nous convaincre que c’est original puisque ça se démarque du
classicisme. Sauf qu’on les sent dans à peu près toute la parfumerie masculine
fraîche et sport de ces dernières années, autant pour l'originalité!
Et, à vrai
dire, ces bois sont exaspérants. Pas tellement parce qu’on les sent trop, mais
parce qu’ils réussissent à figer le parfum exactement comme le Botox fige le
visage de certaines actrice en une éternelle jeunesse complètement hors du
temps qui n’exprime plus rien. Bien sûr, ces actrices essayent de nous persuader que c'est naturel, mais personne, à part elles, n'y croit une seconde. Pas plus qu'on ne croit au naturel d'un parfum qui finit par grincer, d’autant plus qu’il semble durer indéfiniment et résister
à la douche. La tenue record est tout l’intérêt de ces bois destinés à
satisfaire ceux qui, pour ce prix-là, veulent que leur parfum tienne. Ils
seront ravis. Mais sentiront définitivement le cheap.
Dommage, tout avait pourtant si bien commencé. Et les anciennes clientes Guerlain, ou vont-elle maintenant? Elles vont bien et retournent chez Guerlain pour profiter du beau travaille de Thierry Wasser. Elles s'enivrent de Mitsouko et je fais comme elles.
Eau de
Magnolia, Carlos Bénaïm pour les Éditions de Parfums Frédéric Malle.
Rien à ajouter !
RépondreSupprimerJe suis du même avis, et tu le sais déjà.
J'aime tellement cet accord floral entre muguet, jasmin et magnolia, légèrement melon, aqueux comme il faut, mais bien trop gâché par ces artifices de bois ambrés modernes !
Dommage !
D'autant qu'il faut aussi parler du prix, pour le coup, un peu excessif... (Dans un sens, c'est mieux pour nous de ne pas l'aimer!)
SupprimerEst-ce à dire : encore du "karanal" ou une surdose d'"iso-e-super" comme dans "Une Rose" ? Je ne les sens pas dans Noir Épices ni dans Portrait ni dans MR heureusement (en même temps, c'est sans doute normal étant données les structures et les bases de ces parfums, sic...).
RépondreSupprimerEn ce qui me concerne, je ne pense pas que cette eau m'intéresse a priori (j'irai néanmoins sentir à l'occasion), mais en revanche je ne risque pas pour autant de tomber dans les bras du reconnu Mitsouko, puisque ce dernier est l'un des rares parfums à me faire gerber (encore l'autre jour, j'ai croisé une vielle dame qui promenait son caniche rue de Rennes ; elle devait être devenue anosmique à force d'applications je suppose ; c'était atroce).
Impossible pour moi de comparer avec Une Rose que je trouve magnifiquement exécuté de loin mais connais très mal: je n'aime pas du tout l'odeur des rose et évite soigneusement les soliflores à la rose...Mais là, on est dans quelque chose de moins qualitatif et de vraiment banal en fond. C'est d'autant plus dommage que, comme le souligne Musque-Moi, la note florale est vraiment belle, saisissante, originale et intéressante.
Supprimer