luxe & pouvoir

Dénicher en bas d’étagère un vieux mainstream oublié est pour certains dont je suis un plaisir infini. Bien plus intéressant que suivre les sorties récentes et de courir la niche qui finit parfois par n’être qu’un nouveau mainstream avec des codes juste un peu différents. « Pas trop de sucres » « vendons cher » etc. On trouve des petits bijoux et leur âge n’est pas un problème, le parfum réussissant plus ou moins à échapper à la mode. D’ailleurs, la mode actuelle ne pratique-t-elle pas le pillage systématique du passé pour des effets vintage ou néo quelque chose à longueurs d’années ?

Estée fait partie des classiques Lauder qui méritent plus de succès qu’ils n’en ont. Le parfum respire le classicisme : un départ un peu vert, des aldéhydes, des fleurs, l’habituel duo rose jasmin, un fond de bois et de mousse…  Tout cela pourrait sembler convenu. Le parfum est élégant et classique, la femme qui le porte arbore à merveille des tenues bien coupée, des chemisiers de soie boutonnés haut, des tailleurs à la coupe impeccable, certes. Le parfum sent aussi très clairement l’argent avec son sillage fleuri savonneux, l’argent, mais pas le tapage, nous sommes dans le luxe discret et feutré d’une limousine avec chauffeur, il n’est pas question ici de red carpet ou de paparazzi. Madame Lauder, qui admirait beaucoup Chanel, semble avoir eu les mots de la demoiselle de la rue Cambon en tête "Le luxe, ce n'est pas le contraire de la pauvreté mais celui de la vulgarité" pour le parfum auquel elle a donné son prénom.

Mais surtout, ce parfum sent le pouvoir. Sous ses airs lisses et bien élevés, il est très autoritaire. Bien sûr, il ne hurle pas comme les épicés des années ’80, habituelle référence en terme de power dressing parfumé,  Estée n’en a pas besoin, il est profondément aimable, souriant, même lorsqu’il dévore pour son petit déjeuner une pauvre petite chose sucrée comme on les fait maintenant.

Estée est un félin, peut-être bien un cougar. Il ne laisse place ni au doute, ni à l’indécision, ni aux remords. J’adore cette impression de savoir ce que je veux quand je le porte. Et j’adore cette certitude qu’il me donne que je vais avoir ce que je veux.

Estée, Bernard Chant pour Estée Lauder, 1968