raide.


Madame Lauder a nommé Azurée en hommage à sa maison sur la côte d’azur. S’en tenir à cela est source d’un immense malentendu tant Azurée n’évoque en rien le sable, la mer, le bleu du ciel ou l’arrière-pays niçois. Comme tous les Lauder, Azurée évoque une clientèle brillante, cosmopolite, à l’occasion jet setteuse. Et comme les classiques Lauder, Azurée est lisse, intense, puissant et autoritaire.

Étrange de penser qu’un mainstream ancien pourrait faire faire figure de niche pointue aujourd’hui. Un parfum comme celui-là donne des leçons ; on se dit que Lutens devrait rhabiller son Cuir Mauresque qui fait un peu trop dans la dentelle. Objectivement, ce genre de parfum est assez loin de mon univers habituel qui est plus nuancé et "charme discret de la bourgeoisie" que ces Lauder parfois un peu show- off, mais j’y retrouve quelques chose de l’esprit Chanel que j’ai tant aimé et qu’Estée Lauder admirait beaucoup. On dit d’ailleurs qu’en lançant Youth Dew, elle voulait "son" N°5, j’y retrouve, donc, une certaine affirmation de soi, assez conquérante, une volonté de prendre le pouvoir, le contrôle. Si c’est probablement plus élégant chez Chanel, c’est plus souriant chez Lauder. Plus franc également. On sent moins la vieille râleuse têtue et plus la femme d’affaire qui compte aussi sur son charme. Elle ne fera qu’une bouchée de vous, certes, mais avec un grand sourire très aimable.

L’ouverture est saisissante : une note citronnée sur sucre roux qui évoque un cocktail limette-rhum brun-sucre de canne, assaisonnée d’une poignée d’aldéhydes qui lui donne de la brillance. Le cœur est fleuri mais fugace, servant surtout à mettre en valeur le fond de cuir chypré, bien raide.  Azurée semble être l’enfant naturelle d’un Cabochard ayant folâtré avec Bandit. Radical et sans concession, il s’arrête juste un peu avant l’austérité sèche et verte de Bandit, plus proche du blouson de cuir que de l’élégante pochette de dame. Bronzée, Azurée rit peut-être un peu trop fort, d’un rire de gorge un brin indécent, je pense à Ava Gardner dans la Nuit de l’Iguane.

Séduisant sur un homme, couillu sur une femme, voilà le parfum idéal pour emmerder les tenants du politiquement correct.

Azurée, Bernard Chant pour Estée Lauder, 1969.

Commentaires

  1. Encore une bien belle évocation. J'ai adoré me plonger dans ce texte et voilà que je le sens cet Azurée que pourtant je ne connais pas. Merci pour ces lectures passionnantes ;)

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    1. Merci Amalia. ça me fait très plaisir. Et je suis certain qu'il y aura des volontaires pour te faire sentir celui-là.

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  2. Azurée fait partie des parfums que j'aime porter. Souriant et du caractère, ça oui, on ne peut pas le lui nier ! Je lui trouve aussi une pétillance, mais pas une pétillance mignonne de petites bulles évaporées. Une pétillance radieuse, mais profonde. De la raideur, oui, mais curieusement son fond plaît beaucoup : plaisir de midinette, j'ai souvent des compliments quand je le porte. Pas de gifle cinglante avec Azurée, je le trouve plutôt aimable. Sur moi les notes fruitées ressortent de manière assez prononcée, ceci expliquant peut-être cela.

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    1. Et un parfum un peu austère sur une femme qui ne l'est pas tant que ça, ça a toujours tellement de charme...

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