ce week-end, c'est patchouli...

 la faute à la libraire

Il y a une dizaine de jour, je passais dans une librairie et la libraire sentait abominablement beau le patchouli, senteur qui se marie remarquablement bien avec celle des livres, un peu plus avec celle des livres anciens par ailleurs. Certains esprits chagrins traumatisés par l’ère du flower power où il fut beaucoup porté, parfois par des jeunes gens à l’hygiène douteuse, vont trouver ça vulgaire et mauvais genre. Ce point ne se discute même pas tant il est relevant puisque c’est très bien d’avoir à l’occasion mauvais genre. (Étriqués dans les canons du bon goût, on s’emmerde parfois franchement.)

J’aime me souvenir des origines de la vogue du patchouli. Lorsque la mode des châles indiens se rependit, elle s’accompagnât de l’odeur des feuilles de patchouli que l’on plaçait dans les caisses avant le long voyage des étoffes sur les mers pour les protéger des insectes. Les deux furent indissociables mais les romantiques finirent par aimer le pénétrant patchouli pour lui-même.

Ce week-end, j’ai donc décrété que ce serait patchouli pour moi parce que j’adore ça. Alors même que je le porte assez peu, c’est moyennement mon genre et que j’en possède assez peu également. Je pense avoir trouvé mon graal personnel et je n’ai pas besoin de multiplier les flacons. (Bien sûr je pourrais parler de la quasi-totalité des chypres modernes puisque depuis les restrictions sur la mousse de chêne, le patchouli est souverain mais ils m’ennuient un peu/souvent et avec leurs efforts d’élégance à la mode -contradiction dans les termes- ils affadissent souvent le propos. Je fais une exception pour le fort peu récent Eau de Soir de Sisley que j'oublie toujours. Parce que j'ai du mal avec le flacon le bouchon?)

Youth Dew d’Estée Lauder n’est pas vraiment un patchouli. A vrai dire, c’est un titan qui mêle les genres avec la volupté particulière d’en faire trop. Des aldéhydes le font scintiller, les fleurs lui donnent un petit côté bon genre mais le fond hyper puissant dévaste tout sur son passage avec son ambre, ses résines et son patchouli atomique. (dans ma version ancienne, non datée mais encore propulsée au gaz pour pouvoir s’en doucher parce que … ce n’est pas un parfum fait pour être discret. Même pas en rêve!)

Il sera maint fois décliné par le groupe Lauder -aromatics elixir lui doit beaucoup- et surtout servira d’inspiration directe à l’Opium d’Yves Saint Laurent que j’ai du coup envie de reporter, plus sec et plus racé d’être moins potelé.

Le patchouli de Réminiscence dans sa version un peu ancienne est le mètre étalon du patchouli, sombre, poussiéreux, moisi, résineux avec son fond ambré. Mi bohème, mi voyante extra-lucide, c’était celui de ma libraire, d’allure au demeurant fort sage, au parfum immanquable. 

Il fleure bon les seventies mais je suis bien certains que les romantiques auraient adoré son exotisme. Les symbolistes ne l’auraient d’ailleurs pas boudé non plus…

Horizon d’Oriza Legrand reprend le flambeau en mettant en valeur les notes toujours légèrement cacaotées du patchouli par un départ assez brillant d’orange amère et en lui offrant un final poudré poussiéreux qui fait dire « c’est un parfum ancien » dans la tradition de la maison. Plus fin, il apporte une touche de chic qui surprend parce qu’elle n’affadit pas le patchouli. Un tout petit peu moins bijouté, peut-être mais les bijoux sont un tout petit peu plus authentiques.

Peut-être que j’aurais dû investir dans le châle indien au lieu d’investir dans le kimono ?