bienvenue chez les vieux cons

À la poursuite de la nouveauté.



Quand est-ce que cela a commencé ? Impossible pour moi de mettre une date approximative, toujours est-il que le phénomène ne fait que s’accentuer et que les réseaux sociaux, les blogs ne font que l’accentuer. Aujourd’hui, il n’y en a plus que pour la nouveauté, la dernière sortie. Pour rester dans la course, exister, une marque n’a pas vraiment le choix, elle doit sortir. Quelque chose de neuf. Régulièrement.


Ça peut sembler normal, pourtant, il n’en a pas toujours été comme ça. Dans ma jeunesse, le magazine Votre Beauté publiait régulièrement des reportages où étaient mentionné des parfums tels qu’après l’ondée (C’est eux qui me l’ont fait connaître) ou l’heure bleue. D’ailleurs, Guerlain consacrait régulièrement une partie du budget marketing à faire vivre des parfums comme l’heure bleue. Aujourd’hui, des parfums aussi anciens subsistent parce qu’ils se vendent tout seul. Je passe sur les questions de patrimoine et d’esthétique, elles n’intéressent pas les gens du marketing et les financiers. Elles ne suffiront pas à continuer à faire vendre, à faire essayer de vendre un parfum. La cessation de production est une réalité qui menace tout le patrimoine de la parfumerie, parce que personne n’essaye plus de le faire vivre. Personne à part quelques vendeurs, quelques passionnés à l’intérieur des marques et quelques blogueurs. Dont moi. Et j’en suis fier. 

Voir disparaître le patrimoine est un danger. Mais l’autre problème de cette course à la nouveauté, c’est aussi une baisse de créativité et de qualité. Combien de temps pour créer un nouveau jus quand il faut en sortir trois ou quatre par an ? µquelle possibilités d’être inspiré ? D’avoir une idée originale ? De la travailler, de la développer et de la ciseler jusqu’à avoir un produit fini dont on peut être fier ? Et comment des « petites marques » peuvent-elles réussir à vivre, à survivre dans une économies pareille ? Ont-elles les moyens de suivre, de lancer les X nouveautés réglementaires à l’année ?

 

Bien sûr, il y a un changement d’époque. Je comprends bien qu’on n’ait pas envie de porter le parfum de sa grand-mère, qu’on veuille quelque chose de moderne qui nous représente. Je comprends aussi que devenant grand-mère, on veuille continuer à être à la page. Jeune. Ou du moins à le paraître. Je ne dis pas qu’il faut vivre dans un musée de la parfumerie, entouré des reliques glorieuse du temps jadis comme un saint médiéval repose en sa chasse au fin fond d’une cathédrale. (NNB : si, personnellement, je veux être enchâssé dans des reliques, merci.) Mais je ne veux pas participer à ça. Je ne veux pas d’un blog, d’un compte Instagram, qui soit perpétuellement à la poursuite de la nouveauté. 



En disant cela, en le faisant, je me tire une balle dans le pied. J’attirerai moins de lecteurs à la recherche d’info sur le Lion de Chanel qui sort en ce moment et pas sur le Beige d’il y a 6 ans ou le N°5 qu’on croit connaître par cœur. Je n’intéresserai pas non plus les marques. Mais je refuse d’être dans un système que je trouve mauvais, que je désapprouve. Je n’ai jamais eu pour ambition de me vendre, ça m’épargne certains compromis. Je ne déteste pas pour autant l’idée d’un certain succès, d’une certaine réussite. Mais pas à ce point. Alors, je vais continuer comme j’ai commencé. À parler de vieillerie.


C’est assez problématique parce que je n’ai pas envie de tourner en rond, de refaire les mêmes billets d’années en années. Je manque d’approches, d’idées, d’inspiration. Je n’ai pas envie de vous lasser et de me lasser. Pourtant, j’ai la conviction qu’en changeant de point de vue, on peut encore trouver des choses à dire. Que les amoureux du Beau ne se lasseront pas d’entendre louer les mérites du N°19. Qu’il y aura toujours des parfums à aller repêcher parce que nous les aurons peut-être oubliés, pris dans un tourbillon de nouveautés et que nous serons bien contents qu’ils nous soient rappelés. Ça ne signifie pas que j’ai moins envie de soutenir des marques plus jeunes, des marques créatives et belles, mais que je n’ai pas envie de les soutenir en parlant uniquement de la dernière nouveauté. Je ne pense pas que ce serait leur rendre service, parce qu’une marque ne peut pas vivre uniquement sur le dernier (possible) succès. Et je pense que plus que les autres les « jeunes marques » ont besoin de temps, besoin de s’installer dans la durée. Besoin de clients fidèles qui achètent et rachètent. Besoin de temps pour travailler, faire des choses belles et pouvoir vivre de leur art plutôt que d’une machine publicitaire bien rôdée qui vend des choses bâclées…


Je ne crois pas qu’il faille comme en 1950 être fidèle à un seul parfum et le porter religieusement chaque jour de sa vie. Mais je refuse d’être à la dernière mode. Si le parfum est bel et bien une œuvre d’art, il échappe à la mode et des centenaires peuvent encore nous émouvoir comme ils l’ont fait jadis. Surtout, je ne veux pas les voir mourir, pas envie de ne plus pouvoir entrer dans une parfumerie et ne plus trouver Rive Gauche, pas envie de découvrir qu'il n'est plus produit parce qu'il ne se vendait pas assez, tant pis si ça fait de moi un vieux con !

Commentaires

  1. Salut .
    Moi j'adore quand tu parles de vieilleries.
    C'est beaucoup grâce à toi que je découvre ou redécouvre des trésors oubliés.
    Aimer ces parfums anciens n'exclu pas d'en apprécier de plus récents : quand c'est beau c'est beau et c'est l'émotion qui compte .
    Tout ça me fait penser que je serais incapable de nommer une seule nouveauté de 2020 ,c'est dire si c'est ma priorité !
    Continue de faire vivre ce patrimoine , moi j'adore !

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    1. Heu... Un (ou plus?) flanker de la vie est belle et un de black opium?

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  2. Voila tout à fait un avis que je partage. Courir après la nouveauté ne m'intéresse pas. Il revient moins cher à une maison de changer quelques ingrédients d'un parfum et lui rajouter un nom que de travailler sur de nouvelles et belles matières.
    Il faut dire qu'ils versent des sommes considérables à des vedettes de la pub, qu'on se demande si on achète un parfum ou la "demoiselle" (grâce à photoshop) en question ! Marre des "égéries" du parfum jusqu'au maquillage en passant par les soins ! Moi j'en suis gavée !
    Passéiste, archéologue, historien, brocanteurs et collectionneurs, transmettent un héritage, une histoire... pour combien de temps encore ?

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  3. C'est le thème de la semaine. Il y a 3 jours mon fils me disait que j'avais un discours de vieux cons !! Tu ne seras pas seul ! Association des VC (pas très chic mais 😂) je cotise !!!!

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    1. Il est temps de prendre rendez-vous chez le notaire pour déshériter le petit monstre!

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  4. Je suis une vieille qui parcours régulièrement ebay pour trouver le "Panthère" de Cartier arrêté depuis ... bien longtemps ! Heureusement j'en trouve encore et je n'ai heureusement jamais eu de problème avec des bouteilles qui aient viré.

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    1. Oh oui, c'est vieux, ça... Je me demande s'il y a eu beaucoup de production... Le souci étant que, la bouteille étant fort jolie, il doit attirer les flaconistes. Mais ça doit aller mieux pour les recharges, peut-être?

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