« Il reconnut, secrète, bruissante et divisé, la phrase aérienne et odorante qu’il aimait. »
Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, du côté de chez Swann, 1913.
Est-ce que vous aussi vous êtes cycliques ? C’est peut-être saisonnier, mais j’ai régulièrement des période ou je m’entiche d’un parfum, où il devient une véritable obsession, alors que je l’avais bien délaissé… C’est peut-être de l’avoir reporté et de l’avoir redécouvert au moment ad hoc. Ou juste une histoire de saison ? Voire tout simplement le fait de mieux le comprendre qui ferait que je l’aime plus ?
En ce moment, c’est Fidji de Guy Laroche qui m’obsède. Il y a pour certains, beaucoup de raisons de le mépriser : c’est un parfum marketing dont l’odeur collée au succès de l’époque (l’Air du Temps !) était plaquée sur un concept digne du Club Med. Et en plus, on avait osé préférer le travail de Joséphine Catapano à celui de Roudnitska. (Qui sera recyclé en Parfum de Thérèse chez Fréderic Malle.) 20 ans d’un énorme succès et puis le désamour pour se parfum qui se vend encore partout grâce à des fidèles qui ne le lâchent toujours pas. (Mais, hélas, bien diminué, je parle d'une édition vintage des années '70)
Fidji est très lisse, presque linéaire, ce qui lui donne un petit côté sage en dépit de ses prétention à l’exotisme. Il sent plus le spa au bord du lagon bleu que l’aventure torride avec un ténébreux et dangereux pirate. Ça me va à moi, les pirates, ce n’est pas mon truc, c’est mauvais pour mon absence de bronzage. Le parfum est très soudé, mais ce serait un erreur de croire qu’il n’évolue pas. (Du moins dans les versions anciennes comme celle que je possède, c’est maintenant que j’entame mon air tragique préféré : « c’était mieux avant ! ») Le départ aldéhydé vert est presque jacinthe, le mariage classique de la rose et du jasmin n’est là que pour soutenir un œillet à la sensualité très contenue sur fond de bois chic et avec le minimum syndical de mousse de chêne. (Le minimum syndical de VRAIE mousse parce que c’était mieux avant ! Bis repetita...)
Moins précieux que l’Air du Temps, moins glacé que le N°19, le Guy Laroche est un parfum très facile à porter. Il ne demande qu’un peu de ciel bleu et des température au-dessus de 15°. Il va bien avec la paresse qui s’empare de moi ces jours-ci. Il ne demande pas d’effort, il reste chic, mais avec un coté prêt-à-porter croisière nonchalant très sympathique. Et le fait de l’avoir beaucoup senti lui donne un petit côté très réconfortant pour les gens de ma génération : c’est comme un sillage croisé dans notre enfance qui resurgit, un sillage très dame mais bien plus aimable que celui de Calèche. L’exotisme et les vacances qui le rendent plus nonchalant ? (Cool? On pouvait dire cool en 1966? Le cool très relatif d'une femme de notaire qui trompe son mari dans un film de Chabrol,gardons la mesure des choses.)
Je suis toujours surpris quand on décrit Fidji comme un parfum « sexy » même si, ok, madame a défait son chignon. Moi, je n’irai pas jusque-là, mais en même temps, je comprends parce qu’il réussit à être un floral vert sans aucune raideur et que ce n’est pas si courant. En plus, il sent très « adulte, » fait preuve de maturité et c’est peut-être ce côté expérimenté qui le rend « sexy » pour certains ? Notez que, à mon humble avis, pour beaucoup de gens, le simple fait de se parfumer et d’avoir un sillage est sexy. C’est le côté « suivez-moi, jeune homme » du parfum qui m’énerve. Parce que, non, je ne me parfume pas pour les autres, ce n’est pas un message que j’envoie. Je me fais plaisir et, donc, oui, je me parfume même lorsque je ne sors pas de chez moi et ne voit personne. J’adore ça. Mais si je me sens sublime, oui, il n’est pas impossible que cette assurance me rende sexy ?
Fidji, Joséphine Catapano pour Guy Laroche, 1966.
NB : Est-ce que sans lui le N°19 et Anaïs-Anaïs pour ne citer qu’eux auraient vu le jour ? Je ne suis pas certain. Sans vouloir lui donner une place trop importante dans l’histoire de la parfumerie, son énorme succès sur plus de deux décennie n’a pas pu laisser indifférent. Même s’il n’a pas créé une nouvelle forme, il n’a certainement pas été sans influence. (J’adore Vent Vert, mais Vent Vert ne fut pas le carton que fut Fidji, vous voyez ce que je veux dire ?)
Je l'ai achete en brocante en EDC il y a peu et je l'adore, c'est un parfum tres sous estime a mon avis et je le porte justement quand je veus du vert mais ne suis pas dans l'etat d'esprit "cerebral" que je trouve qu'il faut au N19, superbe et facile a porter. Ma fille de 15 ans se l'ai approprie et le porte tres bien (ainsi que N22, elle n'est pas fille de collectionneur pour rien lol)
RépondreSupprimerOui, il est vraiment sous estimé de façon très injuste. Le prestige moindre de la maison doit jouer. Il eut été sous pavillon Dior ou Chanel, les choses eurent été autres. Oui, il passe très bien sur des jeunes. (Bon, des jeunes un peu éduqués! )
SupprimerBonjour que pensez vous de la version actuelle en edt, elle est si vilaine ?
RépondreSupprimerJe ne dirais pas qu'elle est vilaine, elle a encore du charme, mais elle semble "délavée" comme si on était passer d'une huile à une aquarelle. Elle a son charme, est plus facile à porter, mais c'est franchement pâlichon... Et l’œillet est aux abonné absent, comme dans toutes les compositions actuelles qui on dû être reformulées pour cause de législation très restrictives sur l'eugénol
SupprimerBonjour
SupprimerMerci pour votre retour, je pense qu'elle pourrait me convenir alors, moi qui aime les choses légères. J'essaierai d'aller sentir cette version dès la fin du confinement. Belle journée
Bonjour, Dau!
RépondreSupprimerJe ne vous remercie pas. Enfin, qu'à moitié. Enfin, tout à fait.
Me baladant dans le quartier du cabinet où je travaille, hier, je tombe sur des flacons et boitiers de parfums comme on en trouve régulièrement. Evidemment, je jette un oeil, on ne sait jamais, mais de toutes façons, on a jamais besoin de rien, même si on n'a rien à se mettre.
Et hop, un Arpège sublimissime vintage à 20 euros, un vinaigre de toilette idem (rien que pour le flacon, pratiquement carré, en splash-là où aujourd'hui il s'agit d'un vapo rectangulaire) et un Fidji. Me rappelant que vous aviez écrit dessus, me voici sous la pluie à retrouver les articles sur Fidji issus de votre blog. et 5 euros en moins (la blague!) pour, en état de beauté vintage, un splash de 56 ml (je ne comprends pas ces nombres impairs, qui ne correspondent pas non plus à des ounce, bref).
Donc, Dau, MERCI! (et comme quoi, les lectures laissent toujours des traces chez ceux qui les lisent...)
Ah, un Fidji vintage, c'est toujours trop trop bien, d'autant que j'ai l'impression que sa formule traverse assez bien le temps! Et je suis bien d'accord, on n'a besoin de rien mais rien à se mettre. Quand il est question de vintage, c'est du recyclage, donc quasiment un achat vertueux; si, si si. Donc félicitations! (même si je ne suis pas sans éprouver une pointe de jalousie, je l'admets!)
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