festif

"Or celui-ci avait su immortellement arrêter le mouvement des heures à cet instant lumineux où la dame avait eu chaud et avait cesser de danser, où l’arbre était cerné d’un pourtour d’ombre, où les voiles semblaient glisser sur un vernis d’or"

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, le côté de Guermantes, 1921.
salute, parfum d'empire

Il y a bien trop peu de parfum joyeux et je suis plus que reconnaissant à Marc-Antoine Corticchiato de nous avoir donné Salute. C’est un parfum festif, serein et optimiste. Je suis d’une indifférence totale au racontage d’histoire qui accompagne la sortie, la convivialité corse me passe par-dessus la tête et ne me fait pas rêver, mais à peine le parfum senti, j’étais en mode « j’en ai besoin » parce que tout est gris et moche, que j’ai besoin de lumière et qu’il m’a touché personnellement.

Le départ du parfum évoque le vin et les agrumes dans une effervescence lumineuse qui m’a rappelé le sorbet au vin que faisait ma grand-mère, avec du vin rouge et du jus de citron (et de l’eau, je vous rassure !), c’était délicieux, frais, froid, pas sucré, merveilleusement rafraichissant, c’était la fête quand c’était au menu et c’est exactement le départ de Salute pour moi. La suite s’assagit un peu, aux rires de l’enfance succède quelque chose de plus posé, de plus serein.

La lie de vin se marie à l’iris et le résultat est étonnant. Pour le vin, je dirais qu’on est sur quelque chose de profond mais qui n’est absolument pas sombre, à la différence des notes vineuses qu’on trouve dans certaines rose. C’est délicieusement pourpre et l’iris, entre beurre et poudre, lui apporte un velouté incomparable. On dirait qu’un peintre facétieux s’est amusé à faire passer la tenue d’un cardinal pour un grand cru festif dans son tableau. L’odeur du vin est bien présente, mais maîtrisée et équilibrée par l’iris, elle ne sent pas du tout la vinasse, et ce n’est pas quelque chose qu’on identifie immédiatement dans le sillage. L’effet est subtil. De même, pour l’iris… On sent légèrement un fond boisé mais la tenue de l’accord vin-iris est si impressionnante que j’ai du mal à le percevoir vraiment même en fin de journée.

Point iris : Je suis depuis toujours très admiratif de la maison Parfum d’Empire pour le travail des matières. La belle matière luxueuse, l’iris en l’occurrence, est utilisée avec une grande générosité. On pourrait presque dire que c’est déraisonnable. Pourtant, et c’est important de le signaler, on est loin de la saturation facile qui fait dire que « ça sent cher ! » Parfum d’Empire sait se servir de belle matière pour contribuer à un ensemble, construire un parfum-idée poétique. On est loin d’une niche nouveau riche. Et je trouve que c’est extrêmement élégant de ne pas se vanter, de ne pas mettre ça en avant.

Le parfum est complexe, suffisamment soudé que pour ne pas être trop évidemment lisible, évolutif, mais sans heurt, d’une fluidité classique, malgré son caractère nouveau. La forme est belle, le travail précis, mais c’est pour les émotions qu’il donne que je l’aime : joyeux, confortable, Salute est un parfum à ranger absolument dans l’armoire à pharmacie au rayon antidépresseur, une fête estivale à savourer à volonté en toute saisons.

Salute, Marc-Antoine Corticchiato pour Parfum d’Empire, 2019.

Commentaires

  1. J'avoue que me parfumer à la lie de vin me fait un peu peur ...
    Mais la compo sort de l'ordinaire, m'intrigue, et j'ai envie de le découvrir

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    1. Mais ça sent vraiment pas la vinasse ou tonton Robert bourré en fin de soirée! Oui, ce n'est pas ordinaire et c'est très beau!

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  2. Quelle belle évocation de Salute ! J’avoue que des trois nouveaux parfums de la marque, c'est sans doute celui qui m'est apparu comme étant le moins lisible, le moins facile à aborder. Je crois qu'il m'a un peu décontenancée... Je l'ai trouvé dense, texturé et plus sombre que l'Aqua et l'Immortelle qui ont une aura très lumineuse en comparaison... il fourmille d'odeurs que je reconnaissais sans réussir à mettre de mots dessus... j'y ai senti cet iris dont vous parlez, un peu gras, un peu cosmétique même, qui se fond avec l'ensemble de la composition, une pointe de chocolat, de baies écrasées et cette odeur surprenante de vin qui aurait gorgé le bois dans lequel on l'aurait laissé se bonifier. Je ne l'ai pas testé sur peau, mais je m’étais dit qu'il était nécessaire que j'y revienne pour mieux l'appréhender et le découvrir en réel... Je vais donc suivre le chemin tracé par votre billet et retourner le sentir... Et assurément, il est pourpre ! Belle fin de journée. Laurence.

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    1. Il mérite le test sur peau! Oui, il est complexe et changeant et ça fait partie du plaisir. Plutôt qu'à la succession des notes, je m'attache à des ambiances, pour décrire une impression générale, mais il est très complexe. Plus sombre? C'est amusant, moi, je l'ai trouvé plus lumineux que l'immortelle... Mais je vois toujours l'immortelle comme une odeur sombre, même si celle de Parfum d'Empire est particulièrement transparente et claire... L'iris est très présent, oui, même s'il n'est pas évident et si on ne se dit pas que ça sent l'iris, on est loin du soliflore et c'est tant mieux.

      Le vin, c'est si étonnant! Même pour moi qui n'aime pas le vin, mais c'est vraiment réussi avec suffisamment de présence, mais pas trop. C'est vraiment un parfum qui a trouvé un équilibre et ça ne devais pas être évident, un peu plus de l'un ou un peu plus de l'autre et c'était fichu!

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