"Oh non, c’est une femme remarquable. Evidemment ce qu’elle fait ne nous touche plus, cela ne correspond plus tout à fait à ce que nous cherchons, mais il faut la placer au moment où elle est venue, on lui doit beaucoup. Elle a fait des choses bien, tu sais."
Marcel
Proust, à la recherche du temps perdu, le côté de Guermantes, 1920.
Le
marketing aime bien parler des parfums anciens en les reliant à leur contexte
pour démontrer qu’ils étaient modernes et avant-gardiste. Ainsi quand il peut
dire « c’est un parfum qui a accompagné la libération de la femme »
le marketeux est tout fier de sa trouvaille. L’exemple le plus ridicule vient
de chez Guerlain qui essaye de faire passer Chamade, le monument bourgeois à la
Tradition, pour le parfum de celles qui sont montée sur les barricades, qui ont
brûlé leur soutien-gorge, etc. S’il y a un parfum qui a accompagner l’émancipation
des femmes, pour moi, ce serait Charlie de Revlon et ce pour des raisons de pur
marketing.
Délibérément
bon marché, Charlie se voulait le parfum de celle qui s’achète son parfum toute
seule sans attendre qu’un homme lui en fasse cadeau et sans devoir dépenser une
semaine de salaire pour ça. Le succès fut énorme ! C’est vraiment l’un des
parfums emblématiques des années ’70, celui qu’on sentait dans les bureaux, les
salles de classes et les discothèques. D’ailleurs, il était encore présent chez
les jeunes sans le sou à la décennie suivante, plus moderne et moins
romantiquement mièvre que son rival Anaïs-Anaïs.
Charlie, c’est
une énorme bouffée d’aldéhydes qui sent bon le salon de coiffure et le brushing
de Farrah Fawcett sur un gros bouquet de fleurs (certes un peu artificielles) et
fond ambré poudré blindé de muscs pas très nets, reflet d’une époque où on
allait suer sur du disco pour draguer. Aujourd’hui, j’avoue aimer le sentir
pour la nostalgie mais le temps n’a pas été tendre avec lui. N’empêche que vaporisé
en ambiance, c’est une bouffée de souvenir, un chouette parfum à moins de 10
euros qui sent bon le pantalon patte d’eph sous la boule à facette, la
secrétaire qui passe vite chez le coiffeur avant d’avoir la fièvre du samedi
soir.
Est-ce qu’il
est encore portable ? J’aurais tendance à répondre que oui, pour les
jeunes sans le sous qui veulent se démarquer et ne surtout pas sentir ce qu’on
sent partout maintenant. Vous me direz que pour ça, il y a la niche, mais le
niche se prend un peu trop au sérieux, coûte beaucoup trop cher et sent souvent
ce qu’on sent partout. Le très démodé Charlie à 3 francs 6 sous peut faire
office de parfum rétro pour fan de vintage décomplexé. Pour les plus âgés, il
sent un peu trop la soirée télé devant une rediffusion des shows de Maritie et
Gilbert Carpentier.
Charlie
Blue, Revlon, 1973
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