vacances de printemps

"car la chatelaine de Tansonville savait qu’avril, même glacé, n’est pas dépourvu de fleurs, que l’hiver, le printemps, l’été ne sont pas séparés par des cloisons aussi hermétiques que tend à le croire le boulevardier…"

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, à l’ombre des jeunes filles en fleurs, 1919.
neiges, Lise Watier
notez la joliesse du flacon!

Neiges, de Lise Watier, c’est le cadeau qu’on se fait rapporter du Canada, le seul parfum de là-bas dont la réputation nous soit parvenue. Le froid, la neige, en parfumerie, ce n’est pas évident même s’il y en a des traces dans les scintillances glacée du N°22 de Chanel ou du White Linen d’Estée Lauder. En enfant des années ’90, Neige oublie les aldéhydes et joue sur le blanc des muscs un peu lessiviel pour sertir son bouquet de fleurs pâles. Une jolie jacinthe, très soyeuse côtoie une rose, une fleur d’oranger, un brin de muguet.


La première bouffée du parfum fait un peu craindre un effet Body Shop, mais assez vite les muscs se calment et se contentent et se contentent de leur rôle secondaire. Le bouquet est propre, élégant, classiquement féminin et romantique, à la fois doux et frais. C’est à Pleasure d’Estée Lauder que je pense. Sans la note épicée du départ, moins jeune et innocent, Neiges est plus raffiné, donc un peu plus mûr dans sa douceur. 


C’est un parfum facile et agréable à porter, présent mais jamais incommodant, plaisant mais sans jouer sur le registre de la séduction et de la sexualité. C'est une bouffée de printemps, douce et légère qu'on arbore comme le foulard rose pâle ou bleu tendre sur les vêtement d'hiver en avril parce qu'il ne faut pas se découvrir d'avril mais qu'on pense déjà à faire ce qu'il nous plaît et que notre envie n'est plus la flambée dans l'âtre mais le bouquet de fleur qu'on serait aller couper au jardin si la saison voulait bien prendre de l'avance. 


Neiges est très marqué par le politiquement correct des années ’90, marqué par l’Eau d’Issey qui le précède de peu et donc parfait pour le bureau. Si j’avoue que l’idée d’un parfum parfait pour le bureau est un vrai tue-l’amour, Neiges mérite un peu mieux que ça. Déjà parce qu’il nous évite les références aquatiques et océaniques chères à la décade qui l’a vu naître et puis, surtout, parce que sa pâleur est merveilleusement reposante, tout en offrant un confort et une douceur qu’on peine, aujourd’hui, à imaginer dans un contexte dépourvu de vanilles et autres « petites » douceurs. 


L’overdose de parfums incluant l’option « zen et épuré » nous a fait oublier tant elle est devenue un repoussoir à quel point il est bon parfois d’être un peu éthéré. En ces temps de sensualités hypercaloriques, on redécouvre un parfum comme Neiges avec plaisir et on se dit qu’il fait un très jolie parfum signature pour les femmes fidèles et de merveilleuses vacances pour les perfumistas hystériques. (Vacances de printemps plutôt que sports d'hiver.)


Neige, Carlos Benaim pour Lise Watier, 1993.

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