ginger spice

"Cottard vous ennuiera et rien que l’ennui empêchera le traitement d’être efficace."

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, à l’ombre des jeunes filles en fleurs, 1919.

Il semble qu’il faille en cette rentrée absolument prendre un parti parfumé et décider si vous êtes plutôt Chanel ou Hermès. Puis-je faire remarquer que rien ne vous oblige à défendre l’un ou l’autre camp ? Mais il faut bien dire qu’il est difficile d’ignorer qu’il y a des lancements de « grands féminins » rue Cambon et Rue du Faubourg Saint-Honoré. Ce concept de « grand féminin » me dépasse un peu, c’est juste un parfum et cette idée de vouloir hiérarchiser le lancement me semble un peu étrange : C’est un peu comme si on envoyait le signal « ne vous tracassez pas pour les autres merdes qu’on a sorti jusqu’ici, c’est maintenant que ça compte ! » Pour moi, quand une maison sort un parfum, il devrait toujours être beau, mais je dois être un peu vieux jeu et pas très fun.

Twilly est la nouveauté Hermès et il a sensiblement les mêmes ambitions que Gabrielle, séduire une clientèle plus jeune et l’amener dans une maison de luxe vénérable et ancienne. Avec cette différence qu’Hermès n’a pas la pression du N°5 et de sa gloire passée, qu’on souhaiterait chez Chanel, présente et future. (Hélas, les ventes s’effritent…) Des deux côtés, pression maximum pour deux nouveaux parfumeurs maison qui sont prié de faire leurs preuves. Je les plains. Sincèrement. J’avoue que je n’ai pas tout compris chez Hermès, je croyais que Galop devait être un grand féminin, mais finalement, non, c’est de la niche… Parce que ça ne marche pas si bien que ça ? Mais comment voulez-vous que ça se vende en étant hors de prix et dans les boutiques Hermès seulement ?

Le nom du nouveau parfum reste dans l’univers Hermès, pas celui du cheval et du cuir, mais celui de la soie, faisant référence à ces foulards en twill de soie en forme de gros ruban ou d’écharpe qui sont supposé rajeunir depuis quelques années le traditionnel carré. De même le flacon, nouveau, mais pas tant que ça rappelle le flacon classique. Mais pour le parfum en soi, difficile de savoir s’il y a une réelle identité Hermès, des codes maison, tant Les classiques et les lancements « niche » semblent un peu partir dans des directions différentes, allant du riche bourgeois traditionnel à une poésie épurée moderne volontiers qualifiée de minimaliste mise en place par le prédécesseur de Christine Nagel.

Twilly démarre sur une intéressante note de gingembre jouant le chaud-froid, le confit et l’épicé. C’est un départ que j’apprécie et que je trouve très réussi, relativement original sans être vraiment nouveau.  La suite est une tubéreuse boisée qui évite le cliché solaire et la lascivité en se poudrant. Il y a un aspect cosmétique et savonneux qui rapproche Twilly des classiques. Du Classique de Gaultier surtout. Sauf qu’ici, l’effet est moins maquillage et plus savonnette parfumée. De la savonnette chic et de qualité, mais de la savonnette quand même. Ça peut plaire. Et ça peut déplaire. Il y a au moins un parti pris même si « Jo Malone meets Roger & Gallet » n’a rien de transcendant. 

Pour dire la vérité sur mon ressenti, Twilly m’a ennuyé assez vite. Avant la fin de l'échantillon.Oui, il peut plaire et toucher sa cible, ces jeunes filles biberonnées à l’éthyl maltol qui ont grandi, trouvé un job, fait un enfant, et veulent un parfum plus adulte, tout en restant moderne et sans se prendre pour leur grand-mères parce qu'elle ne se reconnaissent plus dans les paquets de bonbons pour lolitas. Ou ces femmes, plus âgées, élégantes, qui veulent être à la mode, parce qu'elle se passent volontiers du coup de vieux, mais qui n'ont pas pour autant envie de jouer les loup déguisés en agneaux. Plaisant, diffusif et tenace, que demander de plus ? Un peu de rêve et de poésie ? Mais c'est du romantisme de grand-mère, ça! Bah, oui, je suis une grand-mère et je vais rester en Calèche et continuer de porter des carrés.

Twilly, Christine Nagel pour Hermès, 2017.