"Elle avait mis toute sa finesse, son goût des citations, sa mémoire des classiques…"
Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, le côté de Guermantes, 1920.
En 1996, Aimez-moi avait tout d’une supplique, d’un appel au secours de la vénérable maison Caron, boudée par le public en dépit de l’un des plus beaux patrimoines de la grande parfumerie. L’époque semblait favorable: après le délire grunge la mode oscillait entre minimalisme de luxe et créations historicisantes. On redécouvrait d’anciennes choses et on les aimait avec passion, pour leur style intemporel et pour leurs aspects anciens. (Bref, le luxe, s’était emparé de l’esprit récup du grunge.) Aimez-moi n’étais pas un jus qui sacrifiait à la mode du jour en reniant son patrimoine comme le font certaines maisons qui se vendent aux goûts du jour de la façon la plus racoleuse qui soit. L’Histoire, cette garce ingrate écrite par les vainqueurs n’a pas donné raison à Caron, et pourtant…
Si dans la recherche, les côtés de Swann et de Guermantes finissent par se rejoindre, chez Caron, on a souvent uni de façon un peu magique des notes qui dans d’autres mains auraient joué la partition en rivales qui s’opposent. Aimez-moi est soudé, très harmonieux, il a ce côté rassurant et enveloppant d’un grand classique, mais sans aucune lourdeur, tout en lui est aérien. Un peu hautain même. Son charme est moins potelé que celui de ses prédécesseurs, plus mince, plus sec, c’est ce qui le rend moderne.
Curieusement, c’est à l’usage qu’il s'apprécie. Charmant les premières fois, on le découvre plus profond et plus riche lorsqu’on le porte, jusqu’à ce rendre compte à la fin du flacon qu’on l’aime énormément et qu’on ne peut plus s’en passer. Sa complexité surprend, parce qu’elle n’est pas immédiatement perceptible. Il est beau d’emblée, ce que doit être un parfum moderne qui se choisit en 5 minutes, mais, comme les anciens, ne se révèle véritablement que petit à petit. Si seulement avions pu nous en rendre compte avant qu’il ne soit trop tard.
Aimez-Moi, Dominique Ropion pour Caron, 1996.
Commentaires
Enregistrer un commentaire