le beau pour tous

“C’était une écriture populaire, un langage charmant.”

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, Albertine Disparue, 1925.

Je ne suis pas snob. Ou je le suis beaucoup. Car enfin, j’aime le Beau, mais le Beau pour tous. Porter ce que personne d’autre ne porte peut me procurer un sentiment de joie et de satisfaction, uniquement si ce que je porte est beau. Dans le fond, je suis un très mauvais client de la niche, dont la prétention à l’exclusivité, à la rareté m’ennuie profondément. Je n’ai pas ce besoin de me sentir différent à tous prix, je sais trop bien que je ne ressemble qu’à moi et à personne d’autre. Je sais aussi que la distinction n’est certainement pas dans le besoin de se différencier. 

Au contraire, par une de ces matinée de printemps, je ressortais mon Ô de Lancôme et je me réjouissais de savoir qu’un si joli parfum était disponible partout et pour un prix raisonnable. Vraiment, que tout le monde porte un si joli parfum, que tout le monde porte ce qui était mon parfum (du jour) me ravirait. Que la rue embaume, soit pleine de jolis parfums est une idée bien plus réjouissante qu’une nouvelle marque de niche qui viendrait encore nous prendre pour des pigeons en nous faisant le coup du rare et précieux.

Si je pouvais vendre, à tous, les parfums que j’aime, au litre, Je le ferais; je ne garderais rien pour moi, rien d’exclusif, loin de là. Tout le monde en Ô ou en Mitsouko, quel rêve ! Bien plus que d’avoir un parfum rien qu’à moi. Il est vrai que je n’ai jamais été dans la rivalité. Il y a des gens qui supporte mal qu’on leur « vole » leur parfum, encore plus mal qu’on le sente absolument partout et qui s’en détourne. Moi, quand je sens mon parfum sur quelqu’un d’autre, au contraire, j’ai un sentiment de complicité, de solidarité. « Nous aimons les mêmes choses! » Quand ça m’arrive, je souris systématiquement à la personne, c’est un réflexe. Et vous ? Vous réagissez comment quand vous sentez votre parfum sur quelqu’un d’autre ?