coup de vieux

« Car nous ne voyons pas notre propre aspect, nos propres âges, mais chacun, comme un miroir opposé, voyait celui de l’autre. »

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, le temps retrouvé, 1927.

L’autre jour, je faisais l’inventaire de mes cheveux blancs, pour voir ou ça en était. Sans surprise, il y en a de plus en plus, même si je suis assez loin d’un vrai gris. Il y a des « marqueurs d’âge » (parlons comme une pub l’Oréal) qui me dérangent plus que d’avoir des cheveux blancs, je précise. Je trouve ça assez joli en fait. Chic. Et pour ceux qui n’aiment pas, c’est assez facile à planquer. En fait, j’inspecte mes cheveux de temps en temps pour voir comment ça se passe, si je ne dois pas changer de shampooing, faire un soin… Mais à part ça, je les laisse vivre leur vie. Je lave, je mets en forme avec les doigts et c’est tout. Ni brushing, ni produit coiffant, ni rien. De toute façon, ils font ce qu’ils veulent et quand j’essaye de faire quelque chose, c’est généralement moins bien. Alors pourquoi m’énerver à propos de quelque chose que je n’ai pas le pouvoir de changer ? Je n’aurai jamais la chevelure de mes rêves (Raide et noire bleutée façon Asie) alors, je me contente de la masse soyeuse qui m’a été donnée. Disons de cheveux qui ondulent en un joli mouvement et crée une illusion de volume et d’abondance dans le meilleur des cas. Ou d’une tignasse crépouillue à frisottis dans le pire des cas. Je suis météo-dépendant.

Azzaro 9, parfum coup de vieux!
Et je me suis senti vieux tout d’un coup. Enfin, pas vieux, mon âge. Mais bon, vous voyez ce que je veux dire, ce moment où on réalise tout d’un coup que « Ah, oui, merde, j’ai déjà… » Vous devez avoir déjà connu sauf si vous êtes très jeunes. Et ça n’avait rien à voir avec mes cheveux blanc. Curieusement. Mais tout avec mon parfum. Je portais Azzaro 9, joyeux bouquet-tubéreuse romantique rescapé des années ’80. C’était peut-être parce qu’il me renvoyait à l’époque de mon adolescence, ou je le sentais régulièrement. (Et si ce n’était lui, c’était l’un de ses frères.) Mais peut-être aussi parce que ce parfum, comme ses comparse de cette époque tonitruante, est un peu trop ostensiblement luxueux… J’aime le luxe, mais j’ai parfois du mal avec le « trop luxe », un besoin de le décaler, de ne pas me figer dans une allure trop douairière. 

Et puis, il y a ce côté « rappel de ma jeunesse » qui est un peu délicat. Et, comme dirait l’autre, pas très moderne. Parce que du coup, ça fait pas vintage. On dirait juste que j’ai oublié d’évoluer avec mon temps, que je suis resté figé dans celui de ma splendeur. Ce qui est idiot, parce que je me trouve personnellement beaucoup plus splendide aujourd’hui qu’à l’époque. L’adolescence et la vingtaine, franchement, ce n’est pas nécessairement l’âge de la sublimité, plutôt celui de l’apprentissage et des erreurs. Je suis ravi d’avoir commis mes erreurs, mais pas au point de vouloir refaire les mêmes. 

Aucun souci avec des parfums beaucoup plus âgés. Avec certains, je me sens même rajeunir. Mais les années ’80, souvent, je bloque. (Soyons honnêtes, ce n’est pas nécessairement la grande décennie du bon goût, même si l’extravagance tapageuse de l’époque était amusante, voire jouissive.) Moi qui n’aimait pas trop les années ’90 et boude beaucoup après, ça va pas être facile tout ça… Mais je préfère quand même être flatté sur un sépia de l'Air du Temps que mal lifté en trucmuche la nuit-black. Pas vous ?


NB: je finis d'écrire ce billet et je me précipite sur eBay pour acheter un truc emblématique des années '80. Indécrottable. Mais qu'est-ce qu'on va bien pouvoir faire avec moi?

Commentaires


  1. Mon cher Dau,
    J'ai essayé pour ma part de revenir plusieurs fois sur les parfums des années 1980, je portais Opium, Obsession et autres, mais je me rends compte que je suis parfaitement incapable, aujourd'hui je n'utilise que des jus plus modernes ou tranquillement des vintages ou encore des colognes ou faux-de-cologne ; les jus les plus modernes pour sentir "culotté", les vintages car ils me réconfortent parfois, et d’autres fois parce qu’ils me frappent de leur âme ardente sous une apparente simplicité ou leur froideur mensongère.
    Cordialement,
    Sara

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    Réponses
    1. Il y a donc vraiment un truc avec ces années '80, ce n'est pas juste moi. Je trouve certains succès des années '70 tellement plus portables, plus élégant: le 19, Jean-Louis Scherrer...

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