océan

“tout aussi en dehors de l’histoire humaine que l’Océan ou la grande Ourse”

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, du côté de chez Swann, 1913.

Le lancement des premiers parfums d’Issey Miyake au début des années ’90 faisait office de révélation en proposant un antidote aux excès des années ’80. A leur consumérisme triomphant et arrogant, à leur matérialisme égoïste, le couturier japonais opposait un élégant refus. Les parfums sentaient l’eau et l’épure. Ils m’ont toujours fait penser à ces tableaux romantiques allemands ou un homme de dos contemple un paysage naturel, une vaste étendue d’espace, ou l’homme n’a pas sa place. C’était en phase avec le Nouvel Age, le minimalisme et le politiquement correct. Tellement en phase que ces parfums, et l’esthétique dépouillée qui allait avec, sont immédiatement devenu des classiques. Hélas, l’époque a changé et les a démodés. C’est d’autant plus regrettable que la marque n’a jamais vraiment su renouveler son exploit : le Feu et A Scent, pourtant deux très beaux parfums n’ont pas vraiment renoué avec le succès. Reste donc une base de fidèles qui ne changent pas de parfum et s’entêtent à être zen et ceux qui, lassé du genre aquatique, refusent obstinément de sentir les parfums Miyake.

Pour les séduire, encore et encore, Les Eaux se déclinent régulièrement, pour maintenir le désir, changer sans vraiment changer… l’Oceanic Expedition de cette année, joue l’amertume des agrumes balayée par les embruns. Le sentiment d’océan, de plage déserte, est parfaitement réussi et totalement inhumain. Le rejet de ceux qui ont connu les années ’90 et trop senti la Calone sera probablement immédiat et les fidèles aimeront, c'est un peu sans surprise. Personnellement, je trouve ce genre de parfum extrêmement reposant à l’occasion. Comme une façon de tourner le dos, différente de mes échappées dans la faille spatio-temporelle que représente le vintage. C’est le genre de sillage qui peut plaire, tant il change de l’égoïsme régressif des bonbons qu’on croise sans cesse de nos jours. Peut-être est-il temps pour un nouveau minimalisme olfactif, après tout, on nous parle bien du retour du grunge de façon récurrente, non ? 

L’Eau pour Homme, Oceanic Expedition, Alberto Morillas pour Issey Miyake, 2015. 

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