« …un air de révélation, de scandale, peut-être d’envie, surtout d’admiration… »
Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, la prisonnière, 1923
Habanita, je l’associe à une amie qui avait trouvé de merveilleuses chaussures anciennes pour le soir, en velours noir avec talons de métal. Lorsqu’elle els portait, le bruit sur les pavés de la ville était incroyable. Elle ne portait pas Habanita, mais je ne peux m’empêcher de faire le lien entre ce bruit et ce parfum…
Habanita, eau de toilette, Molinard |
Habanita, c’est une vieille rebelle, née dans les années ’20 qui n’a jamais abdiqué son pouvoir de séduction, jamais renoncé à la provocation. Elle regarde de haut sa cadette Shalimar, autre vanille de l’époque, et sa séduction potelée, décolletée. Habanita, c’est un autre genre, moins conventionnel. Elle fume clope sur clope, planquée dans un blouson de cuir, et n’hésite pas à regarder droit dans les yeux, à fixer de son regard chargé de khôl, en disant clairement ce qu’elle veut. Habanita, c’est le sortilège de la vanille pas pour les fifilles, celle qui s’est vautrée dans le tabac et le vétiver, la vanille des durs à cuir, celle qui a pris les fleurs et les as piétinées, qui ose tout, y compris le sillage épicé à outrance.
Elle est restée indigne. Pas grand-mère pour deux sous, elle rit toujours trop fort et se sent toujours aussi libre. Elle ne se retourne pas, jamais. Elle est trop occupée à foncer, à vivre sa vie, à la croquer à pleines dents. Dans le fond elle n’est pas vieillie parce qu’elle n’a jamais pris le temps de vieillir, elle a été Rock ‘n Roll avant qu’on invente le rock et elle a encore bien des longueurs d’avance et des tours dans son sac. À suivre, voire à accompagner si vous vous sentez taillé pour.
Habanita, Molinard, 1921.
NB: à découvrir absolument dans l'ancienne version eau de toilette, moins lissée que l'atuelle eau de parfum.
le parfum de mon père...et il lui va vraiment bien.
RépondreSupprimerCeci explique cela: bon sang ne saurait mentir!
SupprimerJ'ose commenter pour la toute première fois... car je ne résiste pas à Habanita. On le trouvait facilement il y a encore quelques années (en Eau de Toilette évidemment) en se baissant au ras du sol dans pas mal de parfumeries, pour un prix si modique... aujourd'hui Habanita n'est plus, remplacé par cette eau de parfum si insipide (j'ose l'écrire). Habanita me bouscule, me dérange parfois, mais quelle sensation quand le tabac, la vanille, le poudré... se resserrent pour tenir au chaud. A fondre.
RépondreSupprimerInsipide, c'est un peu fort dans l'absolu, mais en comparaison de ce qu'on a connu, c'est tout à fait ça! (Heureusement, il nous reste internet et la chasse aux trésors.) L'edp, inutile en plus et criminelle à la place de... Peut-être pour tenter de gagner un public amateur de macarons à la vanille?
SupprimerBonjour Dau
RépondreSupprimerQue vous parliez de filiation entre Habanita la soeur aînée et Shalimar la cadette ne me surprend pas.... J'aime énormément Musc Koublaï Khan et Fracas ( mais je ne peux pas porter l'un ou l'autre) qui ont la réputation d'être extrêmement sensuels; Shalimar et Habanita sont à mon nez synonymes de vulgarité (pour ne pas employer une autre expression afin de ne pas heurter la susceptibilité des parfumistas qui le portent...). Ils me font penser à ces gens qui ont des troubles de la personnalité : ils ont peur qu'on les remarque pas alors ils en rajoutent une couche. Je pense que c'est dû à la vanille que je n'affectionne pas particulièrement en temps normal en parfumerie. Musc Ravageur me fait le même effet. Je préfère la séduction subtile d'un Mitsouko avec sa peau légèrement humide de transpiration ou le trouble que provoque en moi Sables. En un mot, les gens qui rient trop fort m'insupportent.Il faut de tout pour faire un monde et les goûts et les couleurs etc, etc, etc.....
Ah oui, clairement, ils en font trop. Surtout Habanita, espèce de diva forte en gueule, pour moi, c'est ce qui vais son charme, un charme voyou, mauvais garçon, auquel je comprends qu'on reste insensible, mais tellement bon à l'occasion aussi!
Supprimermon parfum depuis 20 ans. Auquel il est bon d'être infidèle pour lui revenir après avec l'assurance que ce n'est qu'avec lui que je suis bien. Comment parvenir à l'âpreté rugueuse en étant enveloppé de vanille, faire se frotter autant le masculin et le féminin, voilà ce qui ne cesse de me plaire et de m'étonner. Aucune tendresse à déclarer, voilà en quoi ses atouts de séduction n'ont rien de convenu, ni de vieilli. Je ne compare pas, je profite. Mon dernier flacon avant reformulation touche à sa fin. Aïe. J'aime bien moins le nouveau et ses notes de têtes goudronnées, qui se veulent sans doute plus raccord avec ce qui suit mais qui rompent l'équilibre je trouve. Bravo pour votre description, je m'en étais fait une idée assez proche. Merci !
RépondreSupprimerHélène
Je suis ravi qu'on se retrouve. Oui, le nouveau, certes un joli parfum, n'arrive pas à la cheville de l'ancienne eau de toilette. Une seule solution pour les amoureux d'Habanita, faire des stocks!
SupprimerIl est bon d'être infidèle à Habanita pour ce plaisir de la retrouver à chaque fois... et je comprends cette facette rebelle que vous lui trouvez, mais à moi elle m'apparaît toujours d'une grande douceur ! Je m'y enveloppe comme dans un manteau de fourrure, et toujours le soir étrangement, on m'arrête dans les soirées "vous sentez si bon, c'est quoi votre parfum ?" Habanita est ma meilleure amie, mon âme soeur !
RépondreSupprimer(Il fallait donc que je commente cet article:)
Rosalie
Habanita est un vrai piège à compliment, je confirme. Souvent de la part de gens qui n'aime pas ce genre-là d'habitude, il semble avoir ce petit quelque chose qui fait la différence. Oui, il est très doux et très fourrure, mais il a quand même une charpente boisée bien raide qui lui évite de sombrer dans la douceur facile...
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