" Ma seule consolation, quand je montais me coucher était que maman viendrait m’embrasser quand je serais dans mon lit. "
Nina, Nina Ricci flacon Lalique |
Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, du côté de
chez Swann, 1913.
Les hommages des maisons à leurs fondateurs sont souvent du
racolage destiné à vendre d’infâmes soupes sans âme en y ajoutant un peu de
mythe, l’exploitation éhontée de la figure tutélaire ce n'est, Dieu merci, pas toujours le cas. Nina est le dernier
parfum lancé par Robert Ricci qui a choisi de rendre hommage à sa mère. Plus qu’à
la couturière, je ne peux m’empêcher de voir un hommage à la maman, tant ce
parfum fait preuve de tendresse, avant tout, oubliant complètement d’être à la mode selon les
critères de son époque.
Nina est un aldéhydé qui commence par une fraîcheur verte
avant de déployer des notes florales poudrées, qui rappellent d’anciens parfums
comme Rive Gauche, traités à la façon transparente et délicate de Ricci "ancienne
époque." Nina est un portrait au pastel d’une aïeule aimée, à la
chevelure argentée ou poudrée, au bon sourire réconfortant et au regard aimant.
Dans la famille des princesses Ricci, elle est la Reine Mère, la doyenne aux
sages conseils, à l’élégance rétro et désuète mais si charmante : petit
gants, robe de soie pastelle, chapeau coquet et collier de perle pour sortir l’après-midi...
Il était déjà démodé à sa sortie, résolument hors du temps.
Contrairement à ses contemporain très marqué eighties, il sonne étonnamment
juste et classique lorsque je le ressens aujourd’hui. À l’époque de sa sortie,
j’étais jeune et bête (oui, ça m’est arrivé aussi) et j’avoue être passé à côté
de lui, mais le temps venant, j’ai réévalué les parfums Ricci de la grande
époque, trouvant du charme à cette cour romantique, goûtant cette
élégance sans tapage et la nostalgie qui s’en dégage. J’aimerais les voir
renaître de leur cendres, mais je ne rêve pas, Nina ne reviendra pas, ne
connaîtra pas le succès.
Je l’ai porté dans le métro. Face à Angel. J’étais destiné à
perdre l’affrontement. (En même temps quel parfum peut vraiment écraser Angel ?
Qui en aurait vraiment envie ?) C’était le choc de deux époques, de deux
conceptions du beau, qui s’affrontaient. Curieusement, il y a des combats qu’on
n’a même pas envie de mener : en Nina, on sourit, aimablement, et on se
détourne, poliment, pour tourner le dos au présent et rejoindre son petit monde
poétique et suranné.
Nina, Christian Vacchiano pour Nina Ricci, 1987.
Commentaires
Enregistrer un commentaire