être perfumista


Parfois, je me demande ce que c’est d’être perfumista, un mot qu’on emploie souvent « entre nous » pour décrire une réalité, un état de fait, mais je ne peux pas m’empêcher de me demander soudain de quoi nous parlons et si nous parlons bien de la même chose.  Curieusement ça n’a rien à voir, pour moi, avec le nombre de parfums possédés, leur rareté, leur « exclusivité », ni avec des connaissances, une spécialisation quelconque. Je sais que certains l’envisagent ainsi et je trouve cela snob et condescendant. Pour moi, ce qui compte, c’est la passion, l’attachement qu’on peut avoir pour le parfum, l’attention prêtée à l’histoire qu’il nous raconte.

Être perfumista, c’est vivre « en parfum » comme on peut être « en religion » ou « en amour » chaque instant de sa vie. C’est ce moment où le simple geste de coquetterie, d’élégance, d’hygiène, devient une expérience en soi.  Ne plus pouvoir s’en passer. Sortir de chez soi sans parfum devient soudain impensable. Rester chez soi sans parfum tout autant. Ce serait pire qu’être nu, ce qui serait juste embarrassant ou indécent, c’est se sentir diminué, amputé, avoir cette sensation que quelque chose manque, quelque chose d’essentiel. Le parfum n’est plus alors un vêtement immatériel mais une part d’âme. D’ailleurs, il n’est pas particulièrement question de porter le parfum. L’Heure Exquise est un parfum qui est infiniment précieux à mes yeux et pourtant je ne le porte pas deux fois par an ; j’ai juste besoin de le savoir là, à portée de la main, à portée de nez, juste besoin de le respirer de temps en temps au bouchon, sans pour autant le porter, mais il signifie un monde pour moi. Et c’est celui-là qui me fait dire que je suis perfumista, pas forcément les autres, ceux que je porte régulièrement, c’est dans celui-là qu’est l’émotion. Il y en a d’autres aussi, parfois plus portés, mais ils sont peu nombreux au final, et puis il y a les parfums « de confort » qui ne me remuent pas l’âme, qui m’apportent un bien être. Ceux-là, dans le fond, je pourrais m’en passer, les remplacer par d’autres sans qu’ils me manquent. Mais les vrais, les chers, les chéris, ils sont comme des livres lus et relus, intensément aimés, que j’ai fait miens et qui ont fini par être constitutifs de moi, ils m’ont aidé à « construire » exactement comme des livres, ils ont été des révélations, immédiates ou lentes et progressives, peu importe !

Aimer le parfum, être perfumista, ce n’est pas juste aimer sentir bon, c’est bien plus que la recherche de la potion magique qui séduira l’autre, bien plus que la mode. C’est transcender le quotidien par la grâce de l’odeur et, avouons-le, c’est entrer dans un monde parallèle, un peu en dehors d’une certaine réalité. Bien sûr, il est question d’esthétique dans un sens très technique de proportions, de constructions, mais j’avoue que ce n’est pas ce qui compte le plus, je laisse cela aux techniciens, je m’intéresse beaucoup plus à la sensation, à l’émotion qui nait de cette technique. Mais je me rappelle aussi qu’on parle parfum et que c’est un sujet léger dont il faut parler sérieusement. Quoique ce soit aussi un sujet sérieux dont il faut parler légèrement.  

Commentaires

  1. Pour commencer, je voudrais vous remercier de cet article excellent. En ce qui me concerne, le parfum, l'odeur est un incontournable: il y a des flacons que je n'utilise guère mais qu'il me faut impérativement les savoir à ma portée, d'autres me procurent un certain bien-être, d'autres me font rêver mais je n'arrive vraiment pas à les apprivoiser, puis il y en d'autres que je porte chez moi, parfois, pour me lover...
    Les odeurs comme les parfums sont devenus une partie importante de ma vie, je vis en parfum, j'ai besoin très souvent de me rappeler des odeurs de les associer entre elles, de les sentir sur touche, sur peau, sur les vêtements. C'est une affaire sérieuse et à la fois légère, une jouissance et un besoin physique et psychologique.
    Très cordialement,
    Sara

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  2. Personnellement, je ne me qualifierai pas de Perfumista, car je pense ne pas m'y connaître assez en parfum. Quant à savoir pourquoi j'aime les parfums, c'est sans doute lié à ma curiosité extrême. Au départ, je ne portais qu'un parfum à la fois, uniquement des mainstream. Puis, un jour, je me suis rendue à la boutique L'Antichambre qui propose des parfums personnalisables. Et là ce fut une révélation. Je n'ai toujours pas créé mon propre parfum, mais j'y ai découvert les notes de tête, de coeur et de base. Et l'envie d'en savoir plus s'est installée. Depuis, je teste encore et toujours. Je suis en adoration devant les Goutal (pas tous, mais presque), je passe mes matinées du samedi chez Senteurs d'Ailleurs et mes pauses midi à l'Inno (les gardes ont d'ailleurs fini par comprendre que j'étais folle et que je ne comptais pas voler les testers mais juste tout sentir les yeux fermés et fourrer les touches dans des pochettes en plastiques).

    Pour moi, un parfum c'est une aventure, une découverte. Le nom tout d'abord. Par exemple Chergui, mon premier Lutens, qui est un vent chaud du Sahara, déjà, ça, bêtement, j'adore. Le flacon ensuite (je suis une très grande fan des flacons), que je vois comme un véritable objet d'art. Puis le parfum lui même qui va m'emporter avec lui. En cours de journée il m'arrive fréquemment de fourrer mon nez dans mon tshirt pour inspirer une bonne bouffée de la merveille avec laquelle je me suis parfumée. Je ferme les yeux et une sorte de félicité m'emporte.

    Le parfum mis le matin ne ressemblant plus à celui de l'après-midi, c'est comme suivre un roman où tout change et se divise, puis se rejoint de temps à autre. C'est décomposer le jus d'une manière scientifique, mais aussi et surtout se laisser emporter par le côté alchimie peau/parfum (surtout que j'ai une peau qui chauffe très très fort les parfums). C'est découvrir que ma peau a mis en valeur le côté bois d'une fragrance qui, sur touche, était trop fleurie pour moi.

    Les parfums c'est aussi une déception parfois, quand un jus n'est pas à la hauteur de mes espérances, mais aussi et surtout quand ma peau le fait tant chauffer qu'il ne reste rien de ce que j'aimais sur touche. Mais cela fait partie de cette belle aventure.

    Je me vois plus comme une sorte d'Indiana Jones du parfum, qui découvre, se plante, court, saute partout, se viande parfois, mais qui au final réussi toujours à trouver un trésor caché.

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    1. Je ne sais pas s'il faut vraiment s'y connaître... On apprend vite et on n'a jamais fini, ça fait partie des joies! Je ne me vois pas du tout en lecteur scientifique de mes parfums, d'autres le font et j'aime en discuter avec eux, mais plutôt comme un suiveur grâce à des ressentis, vivant des instant de poésie et de bonheurs, cherchant à les comprendre mais sans trop analyser...

      Oui, des déceptions, il y en a mais ça fait partie du jeu. C'est une loterie mais c'est aussi amusant de voir les variations hiver-été, temps sec-humide, peau- tissus. Et de voir qu'il n'y a pas que les formulations qui changent, mais nous aussi et que parfois, un même parfum, sorti du même flacon, peut être vraiment différent sur une même personne qui a juste un peu vielli...

      Oui, découverte, c'est bien le mot qui convient. Aventure aussi. L'idée que nous sommes des aventuriers en chambre m.amuse mais me séduit beaucoup!

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