patchouli de nuit

“…aux lèvres un sourire ambigu où je ne voyais que la bienveillance d’une Majesté et où il y avait surtout la provocation de la cocotte…”

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, du côté de chez Swann, 1913.

Ces derniers temps, je dois confesser une passion nocturne pour le patchouli. Je vis dedans, je m’en imprègne, je l’ai dans la peau… Pourtant, j’ai grandi à cette époque où il avait mauvaise réputation, où on l’accusait d’être vulgaire. Il avait jadis senti la cocotte, ce qui n’est pas forcément très flatteur, et il sentait désormais le hippie mal lavé, le soixante-huitard fauché. Le genre de détails et de réputation qui ne m’ont le moins du monde arrêté. A vrai dire, le patchouli que l’on trouvait dans les boutiques indiennes était souvent une horreur, celui de Réminiscence pouvait heurter les habitudes des élégantes en chypre vert… (Et Dieu sait que je suis TRÈS chypre vert, mais le Patchouli de Réminiscence réussi à me tenter quand même, d’autant que je sais bien que sous le vert du chypre, on trouve souvent du patchouli…) Mais enfin, très tôt, je me suis rendu compte que beaucoup de parfum très élégant était blindé de patchouli et qu’il suffisait de ne pas en parler pour que son charme agisse… Le patchouli s’insinue, se déploie et s’accroche comme peu d’autre.

Et si j’y reviens, c’est par le biais de l’un de mes premiers amours de patchouli : Aromatics Elixir. Patchouli, mais pas que. Très enveloppé, très élégant, le parfum de Clinique réussissait à être old school en rappelant les anciens, alors qu’il était moderne et ouvrait des voies nouvelles… Les roses-patchoulis actuelles lui doivent beaucoup. En ce moment, je m’adonne à la ligne corps qui est parfaite ! Parfumage intense, pas besoin d’en rajouter, et vrai soin. (Choisissez le baume en tube plutôt que la crème en pot, il est plus nourrissant.) Pour le parfum, ça ne change pas grand-chose mais on est plus dans les notes de fond, la rose est plus discrète, les essences du départ dont la merveilleuse camomille, sont presque absentes. Toute la place est faite pour le patchouli qui règne en maître soutenu par la mousse.

Pénétrant, raffiné, évoquant le végétal un peu vénéneux, pas trop vineux, quasiment pas moisi, absolument pas poussiéreux, c’est une merveille de patchouli, une drogue dure. D’autant qu’il imprègne tout et durablement. Le porter une seule nuit, le fait traîner des jours : il sature la robe de chambre, le lit. Impossible de passer à autre chose. Obligation de se baigner encore et encore dans sa sensualité aguicheuse, à l’ancienne, digne d’une vénéneuse héroïne de roman de gare. J’adore. (Je le reconnais, je n’ai pas de morale, je suis une cocotte et, en plus, il m'est arrivé de lire de mauvais livres.)

Aromatics Elixir, Bernard Chant pour Clinique, 1971.

Commentaires

  1. Mon cher Dau,
    Je lis moi aussi de mauvais livres, et pire encore je les traduis (je viens de terminer la nouvelle traduction en espagnol de l'œuvre de Pierre Louÿs "Manuel de Civilité pour les ...").
    Je suis également très fan d'Aromatics Elixir mais ce n'a pas été toujours comme ça. Je trouvais ce jus, il n'y a pas si longtemps, poussiéreux et sale, qui sentait le moisi, comme du vieux linge entassé dans un placard. Puis, un jour, les notes de ce parfum se sont révélées à moi et j'ai commencé à adorer cette camomille.
    En tout cas je tiens compte de votre conseil et je vais tester ce baume.
    Il m'arrive aujourd'hui avec le patchouli comme avec le vétiver, je les trouve enveloppants, essentiels pour le réconfort.
    A très bientôt!
    Sara

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    1. Pierre Louys... Ce monument polisson!

      Aromatics est un jus difficile, je trouve. Parce qu'il est complexe, en partie, et fort. Il s'impose et marque tout. Il défie la poudre à lessiver... J'ai l'impression qu'on reconnaît les affaire de ceux qui s'y adonnent à l'odeur qu'il laisse et dépasse partout. Difficile de l'essayer sans se faire envahir, mais ça fait partie de son charme et ça explique en partie la fidélité de ses adeptes, je suppose.

      Oui, c'est enveloppant, très. Mais contrairement à la vanille, les notes ambrées et leurs douceurs, c'est plutôt une boule de force et d'énergie, de pouvoir. Le patchouli et le vétiver ne sont pas des cocons, mais des châteaux, des forteresse. Bon, certains châteaux sont un peu moisi... Disons que ça fait partie de leurs charmes automnaux?

      à bientôt

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  2. Mon cher Dau,
    oui, certains châteaux sentent le moisi et c'est en grande mesure la raison de leur charme.
    Je viens à l'instant de me rappeler que dans les tiroirs des comodes les espagnols ont l'habitude de mettre des petits savons Heno de Pravia (notes: foin, gazon vert, lavande, géranium, bois de santal...) ce qui fait que les dessous chic des adultes comme des enfants sentent plûtôt le vert et le boisé. Il faut noter que les savonettes pour mettre dans les comodes existent en mini-format (3,5 X 5,0 cm) et bien qu'il y a une Cologne Heno de Pravia classique et une autre aux fleurs blanches, les savonettes n'existent qu'en odeur classique, et puis leur prix, comme d'habitude est dérisoire, ce qui fait que les grandes-mères, depuis toujours, achètent des douzaines de boîtes de mini-savonettes pour en offrir à leurs petits enfants. La Cologne Heno de Pravia date de l'an 1905.
    A bientôt!
    Sara

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  3. Bonsoir Dau et Sara.
    J'ai reçu à Noël (offerts par l'amie de ma grand mère qui possédait une parfumerie)
    cinq minis flacons* "vintage" d'Aromatics Elixir datant de 1975 (*10 ml )

    Ce parfum vintage ressemble trait pour trait au baume que je possède en tube et que vous décrivez fort bien " La rose est plus discrète, les essences du départ dont la merveilleuse camomille, sont presque absentes. Toute la place est faite pour le patchouli qui règne en maître soutenu par la mousse.
    J'ai pu comparer avec l"Aromatics Elixir" actuel renouvelé lui aussi en décembre ,.....L"Aromatics Elixir vintage attaque "en force" directement au patchouli ,la rose est plus discrète et la camomille se manifeste en dry down sur le tard, avec la mousse de chêne...

    Deux douches n'en viennent pas à bout il tient dix heures à plein régime, l'attaque est rude pour un non initié...

    L'actuel A.E à côté est très raisonnable dès le départ lui et moins tenace.
    Depuis la vaporisation dans l'assenceur- cela va faire un mois- il est encore présent....en une seule pulvérisation , un seul spray.

    J'ai du dédier un pull en cashmrere et une écharpe de même matière à l'Aromatics Elixir vintage ,car malgré trois lavages ,l' A.E vintage y a élu domicile pour un très long moment ...
    Je l'espère, après tout , tant mieux...

    A bientôt.




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    1. Les différences ne m'étonnes pas, le patchouli, en vintage, et la mousse, "remontent" très fort et étouffe le reste. J'ai le même phénomène avec mon Mitsouko 1993. ça change l'équilibre du parfum et ce n'est pas forcément un mal dans le cas d'AE, c'est un peu moins réussi avec Mitsouko, qui deviens beaucoup plus dur...

      Pour ce qui est de la tenue, le patchouli est terrible. À condition d'aimer ça, c'est parfait, mais je comprends qu'on puisse frôler le malaise, notamment parce que être en contact avec quelqu'un qui est imprégné d'AE peut suffire à être parfumé au patchouli...

      à bientôt ;-)

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