antidépresseur

“J’avais comme dans un voyage à travers l’Italie, un éblouissement, des délices…”

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, Sodome et Gomorrhe, 1922.

L’Eau d’Hadrien est peut-être LE parfum dont j’ai vidé le plus de litres. (Je ne compte pas les flacons, j’ai pris l’habitude d’acheter la flasque de 450 ml.) Vous me demanderez "pourquoi elle?" et je serai bien en peine de vous répondre comme la plupart de ses fans qui y reviennent sans cesse, ne voulant qu’elle et boudant parfois allègrement tout le reste de la boutique dont elle est l’un des piliers.  Il se dit souvent que si l’Eau d’Hadrien devait disparaître, les boutiques Goutal n’auraient plus qu’à fermer. Déclinée en plusieurs versions, c’est à l’eau de toilette originale que je suis resté fidèle : l’eau de parfum, plus concentrée simplement, n’a pas le même équilibre, je ne m’y reconnais pas tout à fait, j’ai l’impression de n’être plus moi, de n’être plus en Hadrien. Quant à la cologne, elle affiche une meilleure tenue avec ses muscs blancs mais me semble franchement lessivielle et moins belle…

Hadrien, même si elle s’appelle eau de toilette, n’est rien de plus qu’une cologne. Du citron, vif, frais, pétillant qui s’adoucit assez vite et caresse autant qu’il rafraîchit sur un imperceptible fond de bois qui évoque la forêt de cyprès dans le lointain. Peut-être le miracle tient-il à la qualité des citrons ou à ce fond, discret, mais qui fait peut-être toute la différence? Toujours est-il qu’on y revient sans cesse, l’été parce que c’est si bon cette fraîcheur, l’hiver parce que penser au sud de l’Italie quand tout est gris est un bon antidépresseur. À appliquer toutes les deux heures. Ça peut énerver, mais personnellement j’adore ça. C’est aussi ça le luxe. (Et ça ne revient pas plus cher que la consommation d’extrait !)

La référence à l’Empire Romain n’est pas mal venue, que du contraire, elle souligne à merveille le caractère intemporel de la fragrance, qui à contre-courant de ce qui se faisait à cette époque dominée par l’Opium de Saint Laurent, s’est d’emblée imposée comme classique. On pourrait presque le trouver minimaliste, mais elle est bien trop lumineuse, chaleureuse et joyeuse pour ça. Le minimalisme m’a toujours semblé plus sec, plus austère. Et dans le fond, elle a beau être simple, elle n’a rien de dépouillé, ses citrons sont charnus et colorés, très vivants.

Deux heures de tenue, certes, mais il m'a toujours semblé que deux heures de plaisir valaient mieux que des jours d'ennui.

Eau d’Hadrien, Francis Camail pour Annick Goutal, 1981.

Commentaires

  1. Bonsoir Dau,
    quel bel article! la seule chose que je pourrais ajouter c'est cet aspect de joie que procure l'Eau d'Hadrien. Pour ma part j'aime aussi beaucoup la cologne qui est toute une autre chose mais à force de surdoser les muscs arrive à être extrêmement enveloppante. La cologne est un parfum cocoon mais l'Eau d'Hadrien est un chant de joie et d'allégresse.
    La joie extrême je la ressens avec l'Eau d'Hadrien et l'Eau d'orange verte qui a fait l'objet du billet précédent,et je dis comme Touti, pourvu qu'on ne change pas la formule!
    A bientôt!
    Sara

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  2. Bonsoir Sara...
    Oui, de la joie, une joie que je sens par moment très sereine et à d'autre beaucoup plus effervescente, pétillante.Quant à un changement de formule: autant que Goutal mette la clef sous la porte, ce serait suicidaire... La cologne, je n'arrive même pas à la concevoir comme étant "Hadrien," je n'y parviens pas. Mais effectivement, c'est assez réussi, même si je trouve l'exercice un peu inutile. Mon gros faible dans cette série de cologne, c'est le vétiver qui pour le coup est bien plus qu'une cologne (à la façon des eaux d'Hermès) que j'aime beaucoup parce qu'il est à la fois signé et très facile à porter.

    à bientôt

    D

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  3. Mon cher Dau,
    je dois tester ce vétiver, absolument!
    A bientôt!

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  4. Sara,
    Vraiment, oui, j'insiste!
    ;-)
    DAU

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