vert chic

“Ce qui est gracieux, ce sont ces toilettes légère, blanches et unies, en toile, en linon, en pékin, en coutil, qui au soleil et sur le bleu de la mer font un blanc aussi éclatant qu’une voile blanche.”
Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, à l’ombre des jeunes filles en fleurs, 1919.

Années ’30. Lorsque Marlene Dietrich apprit qu’elle allait jouer dans la femme et le pantin, un film qui se passait en Espagne, elle se précipita chez Travis Banton et à eux deux, ils réquisitionnèrent tout ce qui se pouvait trouver comme dentelles et œillets en tissus, indispensable à l’espagnolade selon Marlene qui se fichait royalement du réalisme. Elle estimait que si l’image était réussie, si elle-même était magnifique, on pouvait prendre toutes les libertés qu’on voulait avec la réalité, que les gens aimeraient. Effectivement, le film est une merveille visuelle et Marlène est irrésistible enveloppée dans ses dentelles.

Années ’80. Lorsque la maison espagnole Loewe lance son Aire à l’international, le parfum n’a rien de ce qu’on pouvait attendre. Ni œillet, ni fleurs blanches, ni fond arabisant, rien qui évoque les castagnette, les robes à pois et les jardins de l’Alhambra, rien en somme d’une Espagne de carte postale qui se caricaturerait elle-même. Rien non plus d’un parfum tonitruant des années ’80. Loewe avait bien fait les choses, Aire est un parfum chic, qui correspondait probablement au goût espagnol puisqu’il s’est très bien vendu là-bas, même s’il a désarçonné l’international un peu trop oublieux d’une élégance austère à la Balenciaga par exemple.

Aire m’évoque des parfums plus anciens que lui : c’est un aldéhydé vert, à peine fleuri, sur fond boisé. Il me rappelle un peu Calandre de Paco Rabanne, en plus doux. C’est la même élégance altière, mais plus détendue, elle a quitté le tailleur, la limousine et le chauffeur au profit d’une robe parfaitement coupée pour une balade à pied. Entendons-nous bien : Aire n’est pas cool ou swagg ou jeune ou frais ou facile…
Il se tient droit et n’hésite pas à offrir une certaine amertume à son cœur floral savonneux-poudré. C’est un peu le même esprit que White Linen : été, linge propre, campagne, vacances et bord de mer  mais avec une mise en plis impeccable. 

Trop strict, trop habillé pour notre époque peut-être? Mais en amateur de vieilles élégances qui n’a pas froid aux yeux, j’ai adoré le retrouver après tout ce temps. Il me semble un peu adouci, mais peut-être est-ce moi qui me suis endurci ? Toujours est-il que je suis ravi qu’il soit toujours là, toujours méconnu, mais fidèle au poste, perpétuant une tradition où l’élégance compte plus que jeunesse et sexy richesse affichée. 


Aire, Olivier Cresp pour Loewe, 1985.

Commentaires

  1. Bonsoir Dau,
    Ay, Ay, Ay! « Aire » un nom qui se réfère à l'air pas à une aire (qui en espagnol serait « área ») c'est le parfum espagnol le plus vendu et le plus célèbre, le parfum classique de la maison espagnole Loewe et le seul à ne pas avoir disparu au fil des décennies. « Aire » est sans aucun doute ce parfum que les espagnols (eux et elles) considèrent un parfum rond, parfait, suffisamment savonneux et propre, suffisamment vert, tout en n'étant pas une eau de Cologne qui peut être porté par toutes les filles et toutes les femmes de 14 à 100 ans. Une senteur élégante et toujours correcte mais dotée d'un certain caractère, altier sans aucun doute et présent malgré sa fraîcheur et des fois difficile à appréhender. Aire de Loewe sans aucun doute c'est l'Espagne de la période démocratique, qui se veut moderne et européenne mais qui est fière d'être espagnole, contente (malgré tout) de son climat extrêmement chaud qui lui fait aimer les "eaux de quoi que ce soit". En tant qu'espagnole si devais choisir deux senteurs qui ont servi à définir l'Espagne à partir des années 1980 je dirais « Aire » de Loewe et « Eau Jeune senteurs fraîches », toutes les jeunes filles ayant porté ces deux parfums à un moment donné, et une grande partie des femmes continuant à porter de nos jours Aire de Loewe.
    Je ne connais pas très bien les ventes internationales de « Aire » mais je peux dire qu'en Espagne c'est toujours un blockbuster (autres blockbusters seraient par exemple, « Ô » de Lancôme ou « Eau » de Rochas).
    Très cordialement,
    Sara

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Sara,

      J'ai pensé à vous en le portant à vrai dire! Et les gens m'ont demandé ce que c'était, si c'était nouveau ou une réédition pour les rares qui l'avaient connu, bref, à l'international, il est totalement méconnu. Personnellement, je trouve ça fort injuste: il est très joliment exécuté et d'un bon goût irréprochable dans son classicisme pas vieillot. Mais ici, même Ô et Eau de Rocas ne sont plus portés que par d'anciennes fidèles et on peut parfois entendre des jeunes filles en parler en disant que ça sent la grand-mère... Le côté net et portable par tous les âges ne fait plus recette et il n'y apoint de salut en dehors du sucre. Si Guerlain est redevenu une marque chic, c'est grâce à la petite robe noire pour laquelle on ose parler maintenant de "nouvelle Guerlinade" et absolument pas grâce à la préservation de son patrimoine qu'il faudrait même sans doute cacher un peu comme un passé pas très avouable.

      Franchement, j'envisage de demandé l'asile parfumé en Espagne!

      Supprimer
    2. Je vous l'ai dit à plusieurs reprises, vous serez le bienvenu!
      Très cordialement,
      Sara

      Supprimer

Enregistrer un commentaire